Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - Épanouissement du village de 1870 à 1918 (21)
Lors de la guerre de 1870, les opérations militaires n’ont guère touché le village. D’après la chronique du Pasteur HANSTEIN, les cultivateurs et notamment ceux de la cense du Batzenthal avaient amené leur bétail dans les bois pour les mettre à l’abri des réquisitions.
En juin 1871, les deux départements d'Alsace et de la Moselle deviennent le Reichsland Elsass Lothringen.
En 1871, l’annexion et l’institution des concessions de mines apportèrent ce développement inattendu d’Algrange. Ce qui eut pour effet d’accroître progressivement la population qui passa de 364 habitants en 1875 à 11500 habitants en 1914. La population fut donc multipliée par 31 entre 1875 et 1914.
De 1871 à 1880, ce sont des immigrations administratives, car il était nécessaire de repeupler les administrations quittées par ceux qui avaient choisi le camp de la France.
Après 1880, l’immigration est due à l’essor minier d’Algrange puis industriel de la région. Les Allemands étaient les plus nombreux, environ 70% de la population, mais il y avait aussi la présence d’une importante population italienne qui répondait aux besoins des mines.
En février 1874, un projet de construction d'une ligne de chemin de fer et d'une gare voyait déjà le jour
De 1875 à 1918, la langue usuelle ne sera pratiquement qu’allemande, vu l’arrivée massive de populations venant de la Sarre, de Eifel, de Nassau… La configuration d’Algrange changea.
- Au nord, Algrange présentait un visage exclusivement rural. On y trouvait deux grandes exploitations, la ferme du Batzenthal et la ferme de Charennes. Dans ces deux grandes fermes venaient travailler des cultivateurs et des manœuvres du village. Après l’installation des RÖCHLING dans les années 1880, tout changea, des maisons apparurent ainsi que des cités…
- Au sud, le développement d’Algrange fut plus classique autour du vieux centre. Pendant des générations, ce noyau était resté identique, organisé autour des rues saint Jean, de la Fontaine et de la place du marché. En 1880, on y dénombre 67 maisons dans ce centre. La plus vieille maison était la maison des GILLE construite par Nicolas SCHARFF, qui datait de 1650 où se trouvait la " Pierre des Croates ". Une école était située en haut de la place du marché. Toute l’activité du village était concentrée sur ce secteur avant 1880.
Anecdotes et souvenirs.
En 1872, au 13 de la rue saint Jean, un seul café était à la disposition des habitants désireux de se désaltérer, mais il existait également deux épiceries qui avaient licence pour vendre des boissons alcoolisées…
Au 66, de la rue saint Jean, habitait en 1885 " le millionnaire ROLLINGER, le vieux Rollinger ", comme on l’appelait en ce temps là. Il était l’unique millionnaire d’Algrange et exploitait une distillerie à goutte, une boutique faisant bistrot et une boucherie à porcs avec vente de charcuterie. Il était assez avare et pour tenir cet établissement, il travaillait du matin au soir, avec sa femme, ses deux enfants et des personnes âgées. A Paris, il avait des clients pour son jambon et ses saucisses lorraines. Le lard gras était destiné aux Allemands, mais la plupart des mineurs venant à Algrange n’en voulaient pas. Pour une raison inconnue, " le vieux " se pendit quelques années plus tard.
En 1896, Algrange n’atteignait pas encore 3000 habitants. Au centre se trouvait également la vielle ferme HOLGUT-WEBER, avec des écuries et des granges et en face se trouvaient la vielle église et le cimetière.
A cette époque, il n’y avait pas encore de pharmacie à Algrange, les habitants devaient se rendre à Hayange après la visite du docteur KAUFMANN, remplacé par le docteur VOELCKEL en 1895. La première pharmacie sera construite en 1905 à l’emplacement de l’ancienne église, puis plus tard cette maison deviendra la droguerie VOGT, ensuite ROLLIN et à son départ le cabinet d’un médecin Didier NGUYEN…
Le quartier du haut était pratiquement désert à cette époque, la colonie du " haut mur " était en construction. La commune était en pleine extension. Avec l’arrivée d’un contingent d’Italiens, attirés dans notre secteur pour les besoins de main-d’œuvre minière, ce secteur changea très vite. Le plus grand nombre d’entre eux, venus d’Italie du Nord, furent accaparés par les mines, les usines, la maçonnerie et le petit commerce. Ils participèrent à la construction du pont reliant la maison des employés et la colonie Röchling, à la construction de la colonie Terres Rouges (Artillerie caserne)…
Le 3 décembre 1900, une famille allemande, Benjamin HAUSS vint à Algrange. Elle était gérante d’un économat des usines à Maizières les Metz et s’installa dans une maison de la mine d’Angevillers. Elle ouvrit le 15 décembre 1900 la coopérative RÖCHLING dans les bâtiments de cette société. Madame HAUSS et sa sœur Agnès s’occuperont également de l’administration de la nouvelle cantine Röchling, elles perçoivent à cette époque 1,10 marks par jour et par pensionnaire (pour les 3 repas et le gîte). En 1903, cette famille ouvre une coopérative filiale à Angevillers. En 1903, ils furent licenciés et construisirent leur propre maison à côté de la maison Röchling. En 1913, ils agrandirent leur maison pour y ouvrir un second magasin et furent expulsés en 1919.
Algrange s’agrandissait : le 1er décembre 1899, elle fut équipée de 3 lignes de téléphone. Depuis 1903, une alimentation en eau courante fut faite depuis Aumetz via Fontoy, Knutange, Nilvange à Algrange et les canalisations dans les rues se firent progressivement. Le village qui était éclairé avec des réverbères à gaz, eut en 1912 l’éclairage domestique grâce à l’électricité.
On trouvait également depuis 1902 une imprimerie avec atelier de reliure, située à côté de l’actuel café du chemin de fer, avant la barrière, tenu par Heinrich MULLER. Un peu plus loin un abattoir inauguré en 1903.
L’actuelle mairie, rue Foch, fut construite en 1904/1905 et inaugurée le 23 novembre 1905. En 1906, il y avait également un dépôt de journaux : " Le Lothringen Post ". La perception fut ouverte le 1er avril 1907.
En juin 1906 un établissement de bain fut ouvert, avec vers 1910 une piscine. Celui-ci est mis sous séquestre au lendemain de la 1ère guerre mondiale et suite à la liquidation des biens séquestrés fut mis en adjudication le 7 novembre 1925. Dans la séance du 8 juillet 1927, sur proposition de 9 Conseillers, M. le Maire fut chargé de faire établir un projet d’installation de la maison des bains. Une approbation des devis et des plans concernant la transformation et la réinstallation des bains municipaux fut approuvée le 21 décembre 1928. Des travaux furent effectués pendant les années 1929 à 1931 et les dépenses s’élevèrent à 417.549 F dont 84.000 F pour l’acquisition de l’immeuble. L’installation fut terminée en novembre 1930 et l’établissement fut alors ouvert au public. La piscine ferma dans le milieu des années 70 et les bains municipaux une vingtaine d’années plus tard.
L’infirmerie ne suffisait plus avec le développement de l’industrie minière et l’ouverture de l’usine de la Paix, les accidents du travail se multipliaient. La construction d’un hôpital s’avéra nécessaire. Les travaux de celui-ci débutèrent en 1898 pour s’achever l’année suivante. Il sera même agrandi en 1909.
Vu les problèmes rencontrés dans les communes d’Algrange, de Knutange et de Nilvange qui sont identiques face à la poussée démographique de ce moment, des tentatives de fusion de ces 3 communes sont envisagées sans jamais aboutir. (rapport du 24 mars 1909)
En 1910, le Maire FREY et son Conseil firent un plan d’élargissement et de réglementation de construction dans la rue principale, pour le tracé du tramway. Une ordonnance relative à la restriction de la liberté de bâtir dans la commune d’Algrange est signée le 29 juillet 1912 par ordre de Sa Majesté l’Empereur d’Allemagne. Aujourd’hui, subsistent quelques vieilles maisons du milieu du XIXe siècle, rue de la Fontaine et rue saint Jean, témoignant du regroupement à cette époque dans le centre.
Anecdote:
Le 13 mars 1914 fut condamné à mort à Metz Jean BERRESHEIM pour avoir tué le mineur Max NEUSCHAEFER le 23 septembre 1912.
BERRESHEIM était jaloux d’un autre homme Jean Pierre LEGRAND et il voulait le poignarder, mais par méprise il tua Max NEUSCHAEFER.
Il tua également M. SCHMITZ, un gendarme un peu plus tard. Lors de l’exécution, le couperet de la guillotine s’arrêta sans trancher complètement la tête, pénétrant la colonne vertébrale. Le bourreau dut couper le reste avec un couteau.
Palmarès des exécutions d'Alsace-Lorraine
Ils sont conservateurs, en Allemagne ! L'administration de la justice germanique vient seulement de songer remplacer la vnrable guillotine qui est seule fonctionner en Allemagne depuis le ...
http://laveuveguillotine.pagesperso-orange.fr/palmaalsace.html
A la veille de la première guerre en 1914, Algrange avait une part importante de petits artisans-commerçants. On trouvait ainsi : 8 bouchers, 11 boulangers, 23 épiciers, 12 marchands de légumes, 1 marchand de bois, 4 marchands de charbon, 3 marchands de meubles, 1 vitrier, 1 marchand de vélos, 2 quincailliers, 2 forgerons, 2 ferblantiers, 5 entreprises de peinture, 7 menuisiers, 2 plâtriers, 4 entrepreneurs de transport, 4 tailleurs, 5 cordonniers, 1 sellier, 1 couvreur, 1 verrier, 1 ramoneur, 3 horlogers, 1 jardinier, 7 coiffeurs, 7 magasins de confection, 2 bazars, 1 photographe, 1 marchand de vin en gros, 5 laitiers, 15 marchands de bière, 4 entrepreneurs en bâtiments…
En 1914, Algrange se caractérisait par des entreprises en pleine expansion. Après le drame de Sarajevo le 28 juin 1914, l’Autriche ayant envoyé un ultimatum à la Serbie le 25 juillet 1914, les Autrichiens travaillant à Algrange furent mobilisés dès le 27 juillet. Aussitôt ce fut l’assaut des épiceries, chacun se préparant à des temps de disette. Le 31 juillet, on apporta au Maire, un paquet contenant le texte de la déclaration de guerre et l’ordre de mobilisation pour les réservistes. Le 19 août, le premier cantonnement de troupes à s’installer à Algrange fut le 3ème bataillon du 98ème régiment d’infanterie ainsi qu’une section du 34ème régiment d’artillerie de campagne de Metz. Ils restèrent 3 jours avant de repartir pour le front. Les mines tournèrent au ralenti vu le manque de main d’œuvre en cette période troublée. Le premier Algrangeois tombé au champ d’honneur fut un mineur : Claude NAUMANN, qui fut tué le 24 août 1914 lors d’un assaut.
Pendant cette guerre, ce fut près de 260 Algrangeois qui périrent ou disparurent. Le 20 novembre 1918, un capitaine français, en tenue de campagne, arriva à Algrange pour annoncer au Maire la venue dans l’après-midi, d’un détachement de gardes pour la protection des mines, ainsi que le cantonnement d’une troupe d’Américains. Le dimanche 26 novembre 1918, on fêta la libération d’Algrange. La victoire française se traduisit par un important transfert de propriétés. Les biens des sociétés allemandes furent mis sous séquestre. 48 années d’annexion avaient profondément changé le visage d’Algrange, que ce soit démographiquement, culturellement ou économiquement. Tout avait été bouleversé avec des structures mises en place dans un cadre germanique.