Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - Le tramway (27)
Le tramway: premier mot anglo-saxon entré dans le vocabulaire de notre enfance et dont la magie évocatrice demeure liée à nos premiers voyages, comme à ceux du temps des diligences et du Far West…
En effet, l’événement de ce début du XXème siècle, pour l’ensemble des populations de la vallée de la Fensch, fut bien la création du tramway. L’initiative de sa construction revenait à la Société Lorraine des Chemins de Fer (Lothringische Eisenbahn Gessellschaft) et les tramways roulèrent sous le nom de " train électrique à voie étroite ", avec la ligne Thionville-Fontoy avec embranchement Knutange-Algrange et Florange-Fameck et la ligne particulière Thionville-Basse-Yutz.
En 1911, fut créé " le Réseau concédé des Tramways de la Vallée de la Fensch " par la Société Lorraine des Chemins de Fer ( Becker & Cie). La première ligne Thionville-Yutz avec embranchement vers la gare de Thionville fut mise en service en mai 1912. Le second tronçon Thionville-Algrange avec des liaisons pour Fameck et Fontoy, fut exploité deux mois plus tard.
Le village, alors éclairé avec des réverbères à gaz, vit apparaître l’éclairage domestique en 1912. Le maire Paul FREY et son Conseil firent un plan d’élargissement dans la rue principale. C’est ainsi que quatre vieilles maisons qui se trouvaient à la hauteur de la place du marché furent supprimées (vieille école, maisons KAUFMANN-FENTSCH et GILLE) et la vieille ferme HOLGUT, afin d’agrandir la place, en bordure de la rue saint Jean, fut aussi rasée.
Entrepris en 1910 à Hayange, les travaux durèrent jusqu’en 1912, des dizaines de kilomètres de câbles, supportés par des centaines de pylônes furent posés et leur mise sous tension eut lieu en mars 1912.
A Algrange, de nombreux travaux se firent : pose des rails, des pavés, des bordures de trottoirs, des poteaux électriques…et l’inauguration officielle eut lieu le 8 mai 1912. On inaugura les lignes du tramway à voie unique reliant Thionville-Hayange-Fontoy et Algrange avec bifurcation au viaduc de Knutange. Sur la desserte Knutange-Algrange existaient deux emplacements pour la manœuvre de croisement. A Algrange au terminus, une voie de dégagement servait à l’inversion des motrices.
Le trajet Thionville-Algrange, long de 17,690 km, comportait 18 arrêts et était initialement prévu d’une durée de 66 minutes, il dut être porté à 82 minutes, mais sera ramené à 75 minutes, l’accoutumance et la discipline du public aidant. La vitesse des véhicules était limitée à 16 km/heure dans la traversée des localités et à 36 km/heure en rase campagne. Il était également recommandé au conducteur de ralentir chaque fois que le tramway croisait un attelage.
Ce fut une véritable révolution pour les habitants d’Algrange qui, désormais pouvaient se déplacer à toute heure et enfin visiter les communes voisines ou se rendre à leur travail.
En 1913, le parc de voitures comptait 20 véhicules à moteurs avec 18 places assises et 16 debout. Deux remorques étaient réservées aux jours de marché ou de manifestation publique quelconque, avec 22 places assises et 38 debout. Le chauffage des voitures fut assuré à partir de 1913.
A la déclaration de la première guerre mondiale, le trafic fut interrompu pendant trois mois. A ce moment, le personnel assurant le trafic était au nombre de 60 personnes. A partir de 1915 et jusqu’à la fin des hostilités, des " Schaffnerin " (receveuses) assurèrent la relève ; elles furent une quarantaine en 1916, dont l’uniforme avec tablier-manteau à col et ceinture, (Mantelschürze) assorti d’une casquette numérotée, fit alors sensation. A l’issue de la première guerre mondiale, l’entreprise fut mise sous séquestre. C’est la Société d’Electricité et de Gaz de Basse Moselle qui reprit l’exploitation à son compte en avril 1920. De juin 1940 à novembre 1940, les tramways cessèrent de fonctionner, ils redémarrèrent sous l’autorité allemande jusqu’au début septembre 1944. Puis la Société de Basse Moselle reprit l’exploitation du réseau. Le succès des tramways ne se démentira pas jusqu’à leur suppression le 22 septembre 1952. Ils auront donc sillonné les rues d’Algrange pendant 40 ans.
En 1951, on vit la création de la Compagnie des Transports en commun de la vallée de la Fensch, sous le sigle " Trans-Fensch ". Des autobus les remplaceront et aujourd’hui encore, ils sont d’actualité. Un certain YORICK créera une ligne d’autobus allant d’Algrange à Metz en 1931, et l’un de ses mécaniciens, Michel GULZINSKI lui rachètera cette concession en 1932. Son premier bus s’appellera " Edelweiss ".
Anecdotes :
- Les plaintes des maires auprès de la direction des tramways sont assez significatives. Par exemple, le maire de Knutange reproche aux tramways leur vitesse excessive, ainsi que la faible portée de leur sonnerie avertisseuse, la grossièreté des conducteurs (Wattman) qui insultent les passant, et les voituriers qui ne se garent pas assez vite à leur gré.
- La direction pour sa part, se plaint des usagers dont le comportement vis-à-vis des receveurs (Schaffner) n’est pas sans reproches. L’ivrognerie de certains passagers est particulièrement stigmatisée surtout sur le trajet Knutange-Algrange. Ceci sans parler des jets de projectiles de tous genres au passage du tramway ou des casseroles attachées à l’arrière des baladeuses, (Anhänger) voire des jeunes gens assis sur les marchepieds ou accrochés aux tampons et qui en sautent en marche au risque de se rompre les os…
- Des accidents mortels sont quand même à déplorer : des enfants et des adultes descendant des trottoirs très étroits dans la rue principale sont happés par le tramway ou par suite de la rupture des freins dans la descente de Knutange où le tramway s’est complètement renversé dans le tournant vers le portier du bas. (un mort, une fillette de 10 ans) Et encore celui à l’entrée sud d’Algrange où il percuta un camion de livraison…
- D’autres plus graves, comme celui qui se produisit le premier jour de service sur la ligne Neufchef – Hayange, le 18 octobre 1932, où les freins cédèrent au bas de la côte à l’entrée d’Hayange et qui fit 3 morts et une vingtaine de blessés.
- Et le plus grave dans la vallée de la Fensch, s’était produit à Terville le 9 février 1928 à 18 heures à la hauteur du passage à niveau de la voie minière de Metzange, cet accident dû à un train de mine dont le wagon s’était détaché, avait coûté la vie à 21 personnes dont 18 furent tués sur le coup.