Le travail dans la sidérurgie par Lucien JANTZEN d'Algrange
Les cartes postales caricaturées.....
N° 1 Quatre années d'apprentissage: Souvent les parents, dirigeaient leur enfant de 14 ans vers l'un ou l'autre des centres d'apprentissage de la région. Entre les mains de bons moniteurs et professeurs, le jeune parfois indécis, sera très bien orienté pour choisir son métier. Au prix de certaines surprises et tout au long de quatre années d'école, le jeune sortait à 18 ans, avec en main le C.A.P. de sa spécialité. De suite par la direction il était placé en usine.
N° 2 Tournée de nuit: Dès son entrée en usine, le jeune et nouvel ouvrier, découvrira le vrai côté des choses. Il devra se familiariser avec les anciens et son travail, en un mot il devra découvrir son nouveau lieu d'existence. Vivre le bruit, la chaleur, la fumée, la poussière selon les endroits. Là, il comprendra ce que signifie ce simple mot: Travail! Nouveau, également pour lui selon les services, la notion des postes ou tournées. La pire de toutes..... la nuit. Pour ce poste de nuit une petite gratification est accordée à l'ouvrier de nuit: la prime de panier.
N° 3 Le danger rôde partout: Pour aller sur le chantier, le trajet passe parfois par des endroits dangereux. Si l'on est prudent, il ne passera rien cependant...ne rien prendre à la légère. Un pont roulant qui passe, chargé, laissons lui la priorité avant d'y foncer. Au laminoir, attendons de pouvoir enjamber le chemin de roulement du fer laminé. Attention à toute tâche d'huile au sol. Une bonne sécurité en usine, garder l'oeil bien ouvert et ne pas rêver.
N° 4 Les musclés du dimanche: Pour les ajusteurs, au laminoir surtout, le dimanche était le grand jour des réparations. D'ailleurs ce jour là, toutes sortes d'équipes s'y côtoyaient. Prenons le blooming, cette grosse mécanique qui fonctionnait à la vapeur, ne pouvait être démontée et réparée que par des outils énormes. Le pont roulant était constamment présent, câbles, élingues, chaînes, outils, tout pesait içi et que dire de la graisse... Salut amour d'ajusteur, illusions d'apprentissage!
N° 5 Et une casse de plus au laminoir: Aujourd'hui démodées, les machines à vapeur jouèrent longtemps à l'époque le 1er rôle dans le fonctionnement des usines. Ces mastodontes, démesurèment volumineux, surtout les bloomings et des vieux laminoirs, permettaient la bonne marche de l'ensemble d'un train complet, grâce à leur force développée. Toute panne ou casse sérieuse, bloquait immédiatement la production, et faisait sortir de ses gonds, le grand responsable ou le grand manitou.
N° 6 Les heures sup....: En général, même en dehors des casses importantes où il fallait rester d'office plus longtemps voir un poste complet, ce qui donnait un double, l'usine a toujours permis les heures sup, aux gens des ateliers. Le salaire mensuel s'en ressentait et était perçu avec satisfaction, par ces braves volontaires. Sur les coups de midi, ils prenaient le chemin du portier chercher leur gamelle. Chacun attendait que la soupe arrive. Sagement les épouses ou les enfants, se chargeaient de la besogne.
N° 7 Encore 6 minutes: Bien avant la fin du poste, un attroupement se formait déjà à chaque portier. L'oeil sur le coucou, chacun attendait le coup de gong qui le délivrerait de sa journée terminée. Que ce soit au poste du matin, de l'après-midi ou de nuit, soudain, toute cette masse d'hommes sortait et s'éparpillait, alors dans toutes les directions. C'était toujours la même comédie. On y allait du pied ferme, convaincu d'avoir une fois de plus, fait son devoir et qu'à présent seul comptait le retour chez soi ou aller vider un godet au bistrot du coin.
N° 8 Routine journalière: A l'époque héroïque, à chaque poste, une marée humaine entrait et sortait de l'usine. La bonne marche de la maison était à ce prix d'hommes. Dans ce temps là, pour le tajet, le tramway ou "Tram" répondait parfaitement pour assurer le trajet maison-boulot. Très lent surtout à cause des croisements où, il devait attendre celui qui arrivait en face sur la même voie, le tram permettait de bavarder un peu. L'ouvrier de proximité allait à pied à son lieu de travail. Quant aux autres, ils s'y rendaient à vélo, en tram et pour les plus éloignés en train. Le tram en a fait courir des sportifs...
N° 9 Jour de paie: Comme le veut l'adage: " Tout travail mérite salaire ". Ce qui est certain, à l'usine, on ne roulait pas sur l'or. C'était surtout vrai pour le personnel des ateliers ou les manoeuvres. Des primes minables tombaient parfois dans l'escarcelle. Il en allait tout autrement pour le personnel des services de production. L'acompte se réglait le 15 courant et la paie en fin de mois. A la maison ce jour là, bifteck pour tout le monde. Chacun, après avoir touché son sachet, l'ouvrait de suite pour en vérifier le compte. Instant de grande émotion pour certains.
N° 10 Service des gardes: Le service des gardes était organisé par l'usine. Il assurait une vigilance de tous les instants sur le personnel ou tout autre personne n'appartenant pas à la maison. Tout suspect ou transport anormal d'objet ou charge qui attirait l'oeil était contrôlé. Tout produit sorti devait être justifié. Tout vol était sévèrement sanctionné par la direction et l'individu risquait gros: amende, mise à pied, blâme et même renvoi immédiat. Le garde était un policier d'usine.
N° 11 Une soupe très pimentée: Obtenue à partir du minerai de fer dans un haut-fourneau la fonte sera reprise dans le convertisseur pour y être transformée en acier. Bessemer découvrit le principe au 19ème siècle, en insufflant de l'air sous pression dans la fonte en fusion, il révolutionna du coup l'industrie. Qui n'aura vu la nuit surtout dans notre région mosellane, ces grands embrasements du ciel avec projection de myriades d'étincelles? Cela indiquait que l'aciérie soufflait dur. L'acier ainsi obtenu était écoulé en lingotières.
N° 12 Un lamineur compétent: Le laminage est le principe par lequel l'acier, chauffé à blanc dans un four, prendra après passage dans les gorges spéciales de cylindres énormes, un profilé recherché, par compression. Le passage successif du lingot entre 2 voire même 3 cylindres, permettra ce travail. Ecrasée, la pâte d'acier se transformait et devenait: cornière, rail, fer en T, en U, en H dit fer à plancher. Le désir souhaité de la maison: que ça tourne rond et que ça produise au mieux.
N° 13 Panique au trio: Au laminoir, 2 cylindres se superposent verticalement, mais par contre au trio, se sont 3 cylindres qui travaillent. C'est là que l'on fabrique les petits profilés. Ici sans avoir à faire contremarche comme une machine à vapeur pour continuer le laminage, le trio fonctionnait grâce à un gros moteur électrique. Le laminage des barres va plus vite. Qu'un profilé bien rouge vienne à sortir de son chemin de roulement, c'est la débandade générale: la matière qui sort des cylindres continue à pousser et s'en va dans tous les azimuts. Gare au lamineur retardataire surpris! Déclassé le serpentin sera ferraillé.
N° 14 Visite médicale: Chaque année, tout le personnel de l'usine est soumis à une visite médicale du travail obligatoire. Après convocation, chacun est tenu de s'y présenter. Poumons (radio), urine, vue, ouïe, poids, etc...rien n'est négligé. Il importe de dépister toute anomalie de santé qui pourrait survenir chez le candidat. La visite se passe à l'infirmerie locale de l'usine. C'est un infirmier ou un médecin qui s'occupe du fichier médical du patient. L'usine tient à ce que son personnel soit toujours en bonne santé...forme.
N° 15 Médecin-conseil: Un jour ou l'autre, tout malade ou blessé sera appelé à passer devant le grand spécialiste qu'est le médecin-conseil. Ne vous faites pas d'illusion, il connaît très bien son boulot et manie le verbe comme un maçon la truelle ou le cocher le fouet. Il opère des miracles au sein du monde ouvrier. Bien que son regard vous redonne confiance et suffit à vous faire comprendre que le retour au travail est pour le lendemain. Vous ressortirez de son bureau plus vite que vous n'y êtes entré, complétement guéri, content d'être venu ou, pas du tout...?
N° 16 Après tant d'années...: La retraite permet à l'ouvrier usé qui est parvenu à l'âge de 6, 65 ou 70 ans, de partir enfin chez lui et, s'il tient encore le coup, de se promener encore un peu, si ses os lui permettent toujours. Après toute une vie passée à travailler, qui pouvait jouer sur son moral, le pauvre se sentait tout à coup devenu inutile le jour du grand départ. Enfin, il la tenait sa médaille. C'est aux grands bureaux qu'il allait avec d'autres, la toucher, dans un beau costume acheté tout exprès, avec un pincement au coeur et peut-être une larme à l'oeil?
MERCI à toi Lulu pour ta gentillesse et ton talent........