Souvenirs d'Algrange de 1910 à 1918, par le maire Paul FREY
Quand en décembre 1909, le sous-secrétaire d’état MANDEL, m’a demandé, sur incitation du Président de la région lorraine, le Comte ZEPPELIN-ASCHAUSEN, si j’étais prêt à prendre la place de maire devenue vacante, dans la commune industrielle en plein essor d'Algrange, je n’hésitais pas longtemps pour répondre favorablement.
Algrange, m’était connu par l’exercice de mes charges que j’avais pratiqué à Metz et à Thionville, et où j’avais encore beaucoup d’amis et de connaissances, sur lesquels je devais pouvoir compter. Mais avant tout, j’étais excité par la tâche qui m’attendait. Relancer l’essor d’Algrange qui était presque nul ces dernières années. Après ma nomination officielle de maire (le 19 janvier 1910), je pris mes fonctions le 1er février 1910 introduit dans les affaires par le Sous-préfet CORDEMANN. (Dans le Courrier de Metz daté du 9 février 1910 on peut lire: M. FREY, autrefois secrétaire d'arrondissement à Thionville, a pris possession de son poste comme maire. On se rappelle que lors de l'élection, M. FREY n'avait obtenu que 6 voix contre 11 données à son concurrent. Toutefois le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de se ranger à l'avis de la majorité du Conseil Municipal; dans ce cas, il était absolument inutile de le consulter.)
Au début, j’eus quelques problèmes avec le Conseil municipal, dont la majorité était du centre et la minorité libérale. Mais au bout de quelques mois une fructueuse collaboration était atteinte. La première tâche, la plus urgente, fut l’élargissement de la rue principale où il y avait beaucoup de circulation, au-dessus de l’actuelle place du marché. Cette amélioration pressante ne pouvait se faire que par l’élimination de 4 vieilles maisons du coté ouest de la rue (vieille école, et les maisons KAUFFMANN, FENTSCH et GILLE) La demande étudiée préalablement par la commission des finances et des constructions a été adoptée par le Conseil municipal à l’unanimité. Il y avait aussi obligation de détruire la ferme des héritiers GUISSARD, située sous les maisons à éliminer, ceci pour des raisons d’esthétique de la localité. De ce fait on créa entre la grande rue et la rue Saint Jean, suffisamment de place pour une place du marché. Pour ces motifs, on décida de l’achat, puis de la destruction de tout ce groupe de maisons. Le coût total de ces travaux (y compris le prix d’achat des maisons) s’éleva à 90.000 Marks, mais pour Algrange et son urbanisme il représentait un gain inestimable et une amélioration très importante des facilités de circulation, que l’on a pu mesurer pleinement, à la pose des rails de la ligne du tramway électrique Thionville-Algrange.
A cette occasion, il faut remarquer que cette ligne de tramway, était à l’origine, une ligne prévue et financée seulement comme ligne de la Vallée de la Fensch, partant de Thionville par Hayange vers Fontoy. Ce n’est que grâce à l’intervention du Député et ami ZIMMER de Thionville, qui a pu faire modifier le plan de construction et obtenir les crédits d’Etat pour la ligne secondaire Knutange-Algrange, dont la construction a pu se faire en même temps que la ligne de la Vallée de la Fensch. Après la mise en service, il s’avéra que la ligne Thionville-Algrange était de loin la plus fréquentée. Elle devint donc ligne principale, alors que sur la ligne Knutange-Fontoy, on instaura une circulation alternée.
Dans les plans de la régulation routière et des modifications de constructions, il se fit de plus en plus sentir que les possibilités de développement de la localité vers les deux cotés, ont fait ressortir le manque d’un plan de construction planifié. Il fallut absolument empêcher la construction de maisons non-planifiées qui pourrait plus tard, lors de la construction de nouvelles rues, être des obstacles. En reconnaissant la nécessité et l’urgence, le Conseil municipal décida la mise en place d’un grand plan de construction et engagea un géomètre-expert d’Aix-la-Chapelle pour l’exécution du plan. Ce plan réalisé d’après les directions de l’administration municipale a reçu l’accord du Conseil municipal et peu après celui du Préfet, le Baron Von GEMMINGEN, qui portait un intérêt particulier au développement d’Algrange.
A la suite du plan de construction, j’ai donc, émis une ordonnance sur les plans de construction de l’inspecteur des constructions KLEIN de Metz, concernant Algrange avec l’accord du Conseil municipal après que l’autorité suprême du Gouverneur impérial a fait paraître le décret du 29 juillet 1912 étendant les instructions sur les limites de la liberté de construire, valable pour Strasbourg, à la commune d’Algrange.
Ainsi étaient posées les bases pour la planification des constructions et du développement de la commune en plein essor. Dès le début de la guerre mondiale, de nouvelles rues et de beaux bâtiments furent réalisés. Je me souviens de la rue de Lorraine avec la nouvelle poste construite par l’entrepreneur M. REGNERI et la rue Wilson (ex : Hohenzollerstrasse) et aux constructions de la nouvelle école technique supérieure et de l’école des filles, mais qui à cause de la guerre n’ont pu être menées à leurs termes. De plus, je veux me souvenir de la canalisation et de la couverture du ruisseau d’Algrange, réalisée avec les moyens de l’administration des constructions. Ainsi, un inconvénient, ressenti depuis quelques années, était éliminé, mais on a gagné ainsi du terrain à bâtir et la possibilité de tracer de nouvelles rues.
Enfin, il faut penser aux grands travaux d’agrandissement de l’hôpital des mines, propriété des sociétés industrielles, dont les installations exemplaires et modernes sont dues au médecin-chef le Dr Georges VOELKEL décédé en 1910 et à son successeur le Dr Kurt BARTHOLDY. Ces travaux là, ont aussi dû être interrompus au début de la guerre.
Depuis le meurtre du couple héritier du trône autrichien à Sarajevo (le 28 juin 1914), et après le rejet des exigences autrichiennes par la Serbie, la situation politique extérieure était extrêmement tendue. Malgré cela, personne ne voulait croire sérieusement à la guerre. Alors, arriva le 31 juillet 1914, un télégramme du Ministère de Strasbourg déclarant " la situation extrême de danger de guerre " et dès le lendemain, 1er août, à 4 heures de l’après-midi, je reçus l’ordre de mobilisation avec ces mots lourds de conséquences: " La mobilisation est ordonnée ! ". Le 2 août fut le premier jour de mobilisation, la guerre mondiale avait débuté.