Ceci est l'histoire d'un jeune peintre qui est né à Algrange pendant l'annexion et étant allemand a quitté la vallée pour retourner dans la Bavière de ses ancêtres. Aujourd'hui ses tableaux sont cotés sur le marché de l'art (tiré du livre Algringen zum Gedächtnis de 1938)
Pensées pour un ami d’enfance : (dédié au peintre Ludwig MÖSSLER)
C’était en fait un garçon comme nous, nés aux alentours du changement de siècle et qui, entre l’église protestante, la mairie et la rue Saint Joseph, entretenait des liens de bonne camaraderie et de voisinage. A l’école, il aimait toujours dessiner et peindre. Son père était l’aubergiste du " Banerifchen Hof " (Hôtel de Bavière), MÖSSLER Hans. Il portait la vareuse bavaroise, sur la veste pendait une grosse chaîne de montre avec des thalers d’argent. Marie-Thérèse avec des dents de sanglier en appendice, et sur la tête parfois un chapeau tyrolien. Dans l’auberge, le père MÖSSLER se tenait en bras de chemise derrière le comptoir...
Aux murs pendaient comme dans toutes les auberges, quelques cornes de chamois, et dans un cadre noir, avec de la dorure sur les bords, quelques tableaux jaunis par le temps. L’un montrait un garde-forestier avec sa très connue barbe : Andréas Hofer-Bart. Il levait, souriant et conscient de sa dignité une cruche de bière et topait. A coté, dans le même encadrement noir doré, la contre façon de la " Zensi ", qui dans une main portait quelques grès de bière et de l’autre un plateau avec des saucisses blanches et des radis. L’image au-dessus de l’entrée montre le caviste souriant au pied du tonneau, un verre de vin dans sa main droite levée. Au-dessus, cette inscription ; " Tant que cette rose fleurit, aucun argent ne moisira ".
Cela sentait les petits pains et les bretzels avec le sel et le cumin, la bière fraîche, et le tonneau, tandis qu’au dehors, sur le jeu de quilles, une boule en bois atterrissait sourdement, roulait et sortait des quilles qui tombaient en faisant des sons xylophonistes. Quand, les Tyroliens étaient dans l’auberge, musiciens gratteurs en costume bavarois et en culottes de cuir, chantant avec la musique de cithare, yodlant et tapant des pieds, alors nous avions le droit d’aller un quart d’heure avec notre père dans la salle, parce qu’une troupe en costume chantait la chanson d’Andréas HOFER que nous avions apprise à l’école. Lui aussi avait été une fois un aubergiste et un chasseur comme celui sur l’image, à l’entrée de l’auberge.
Quand les " STUMME ", les mineurs fêtaient la Sainte.Barbe, leur patronne et protectrice, nous étions toujours impressionnés par la décoration ; d’autres aussi devaient admirer les grandes images avec lesquelles un maître-peintre local avait orné les murs de la salle. Elles montraient des châteaux sur le Rhin, le château de Heidelberg, des monts et des paysages, des rochers et la mer…
Il y en avait pour tous les goûts, dans le style de l’époque, la " Lorelei " en faisait également partie si mes souvenirs sont exacts. Ces images allaient très bien avec les chaises et les tables soigneusement récurées de l’auberge, où tout était soigné, y compris ce qui s’y passait, car c’était la fierté de l’aubergiste du " Bayrischer Hoff ", que son auberge aurait pu se trouver n’importe où dans sa patrie allemande. Les dessins provenaient certes de son souhait personnel, mais plus d’un compatriote qui s’essayait à une danse après de rudes journées de travail à l’usine ou à la mine, devait, pris par la magie d’un chant rhénan ou d’une valse viennoise, et regardant ses dessins, il devait prendre cela pour un salut de sa patrie, la grande Allemagne, même si ces dessins ne prétendaient pas représenter le grand art comme les gens instruits le prétendaient. Pour " LUDDI ", l’aîné de l’aubergiste, ils avaient une signification et il devait regarder l’élaboration de ces dessins muraux, tant pour passer son temps que pour un intérêt encore ignoré à ce moment là. A l’occasion il devait aussi en secret avoir emprunté l’outil du peintre quand celui-ci était parti pour essayer, mais il devait rapidement se rendre compte que le maître savait quand même beaucoup plus. Par contre, sa culotte bavaroise et sa vareuse folklorique étaient joyeusement ornée de couleurs à l’huile. Alors se levait pour la 1 ère fois l’ambition et quand les peintures murales étaient terminées, il les a toujours, dans le fond de lui-même, prises comme modèle et les a soumises à une sévère critique.
Une grande femme maigre, originaire de Lahn, l’appelait parfois de la fenêtre, quand nous jouions, pour lui demander de faire des commissions, c’était sa mère. Plus tard elle devait certainement laisser errer son regard rempli de fierté sur les œuvres de son aîné. Cela a du être une joie et un remerciement du fils pour les charges et les privations de la vie qu’elle endurait en silence. Elle est décédée depuis longtemps.
Avec la guerre, débuta aussi pour nous jeunes, le sérieux de la vie. Ludwig alla en apprentissage… chez un peintre en bâtiment, et, quand trois ans après le mémorable août 1914, je devins aussi soldat, pendant une permission, je vis passer devant moi Ludwig, en blouse très coloriée, avec une crinière d’artiste et portant un large châle noir de peintre. Bientôt, le père montrait à ses connaissances, par-ci, par-là, une œuvre personnelle du jeune, dans un cadre soigneusement couvert de lin.
La fin de la guerre nous envoya comme rapatriés ou comme volontaires sur le chemin de la grande patrie allemande de nos parents, dans tous les sens de la rose céleste. Allemands considérés comme la dernière des nations et qu’on avait déclaré hors-la-loi. Nous n’avions emporté que quelques menus biens, mais surtout l’amour de notre patrie de naissance et le souvenir de joyeuses heures de notre jeunesse passées sur les hauteurs et dans ses forêts, nous les conserverons dans nos cœurs jusqu’à notre fin. Des années sont passées depuis, chacun a mené son propre combat, chacun a eu besoin de temps pour retrouver pied, pour pouvoir repousser et grandir s’il ne voulait pas dessécher. Bien plus tard, j’ai compris que MÖSSLER Ludwig était devenu artiste peintre. De nombreuses expositions ont déjà été honorées par ses créations, sur sa patrie d’adoption, il était devenu un peintre de grand renom. A Uffenheim, dans le beau pays de Franconie, ses parents trouvèrent une nouvelle existence après un séjour prolongé dans un camp de réfugiés. Par son savoir-faire et son infatigable travail autodidactique, Ludwig a pu dès 1923/1925, suivre les cours de l’Académie de peinture de Munich. Il étudiait avec le professeur GRÖBER et les paysages chez les professeurs DAMBERGER et FRANKL
Dans les années qui suivirent, il perfectionna son savoir dans les centres artistiques en Allemagne et à l’étranger. En 1926 il se trouve à Paris pour étudier, en 1929 il fait un voyage d’études en Italie et en 1930 en Suisse. Le public commence alors à s’intéresser à lui et à ses œuvres. De nombreuses expositions rapprochent son savoir-faire d’un public enthousiaste. La Franconie qu’il peint maintenant à volonté, d’autant plus que cette région est riche en vieilles constructions allemandes et en œuvres d’art. il put lui réserver l’art véritable et se débarrasser de la camelote d’une époque pourrie, et la vaincre définitivement. C’est au milieu de la ville aux merveilleuses décorations, en toute sécurité que Ludwig construit son nid et son atelier, c’est Rothenburg sur la Tauber, la médiévale avec ses recoins et ses ruelles, ses maisonnettes et constructions, ses tours, ses murs et portails d’une époque de romantisme depuis longtemps passée..
Si un d’entre nous vient une fois en Allemagne du Sud, dans la belle petite ville de Bavière, de Souabe de Franconie, en Haute-Bavière, en Forêt Noire ou au lac de Constance, il va certainement rechercher une reproduction d’un tableau signé : " L. MÖSSLER PINX ". Il pourra aussi peut-être découvrir dans une exposition un tableau original qui éveillera en lui un plaisir particulier. Son souvenir, qu’il ramènera à la maison, sera en fonction de ses moyens financiers, mais lui procurera un plaisir d’autant plus grand, qu’il saura que c’était un jeune d’Algrange qui avait peint sur la toile un morceau de notre belle patrie allemande. Il nous semble intéressant de savoir que sur ces réflexions on peut encore mentionner ce qui s’écrit dans les journaux locaux ou matinaux d’autres villes sur " l’exposition de peintures de l’artiste L. MÖSSLER " Cela nous mènerait trop loin de répéter ces réflexions qui y sont écrites, mais nous allons quand même relever quelques considérations écrites de connaisseurs.
En premier, c’est l’éditeur d’art LIEBERMANN qui a su reproduire avec finesse toutes les nuances qu’il y a dans les rues du vieux Nuremberg que L. MÖSSLER avait dessiné. Ses œuvres, tant sur cartes postales, que dans des éditions d’art ont eu un tel succès, que l’éditeur de l’Allemagne du Sud, WIEHMANN et ACKERMANN ont pris des dispositions pour reproduire les remarquables œuvres de L. MÖSSLER et permettre la diffusion la plus large de ses œuvres en les rendant accessibles à tous. Ces œuvres ont des villes d’Allemagne du Sud comme modèle, MÖSSLER a prit ses dessins en rendant l’atmosphère des lieux tout en respectant la réalité. Ses images montrent les traits de son cœur, rendre la beauté de la patrie allemande en la scrutant d’un regard d’artiste pour la mettre sur toile avec pinceaux et palette. Ses dessins témoignent de son amour de la nature et aussi sa fidélité envers elle, ils nous montrent les beautés des villes et des paysages de l’Allemagne du Sud, devenues des découvertes artistiques en ses mains. Le romantique est excité par le secret idyllique de la terre de sa patrie comme les merveilleux panoramas de nos petites villes, surtout des vieilles villes. L’artiste maîtrise parfaitement les changements de teint dans la différence des courants de l’air et de la lumière. Un vœu naturel et poétique virevolte dans le creuset multicolore dans l’exquise rêverie de ces vues paysagistes.
Entre les tons étouffés et malgré tout, rouge brillant des toitures, entre le ton des maisons et le bleu de l’air, entre la rêverie de l’arbre près du ruisseau et l’étalage d’un ciel de midi il y a une tonalité colorée qui pour le spectateur est une joyeuse aventure. MÖSSLER a fait le réel essai de relier le linéaire avec le dynamique.