L'Alsace-Lorraine jusqu'en 1918
Le premier contact entre la France et les provinces recouvrées a été marqué par un élan irrésistible vers la France mais bientôt après se produisit une réaction contre les tendances excessives d'unification, ce qui est connu sous le nom de " malaise alsacien-lorrain ":
1) Un des premiers malentendus est né de la germanophonie en Alsace-Lorraine, les Français croyant dans leur grande majorité que celle-ci était une importation allemande postérieure à 1871. En fait, les parlers allemands en Alsace-Lorraine remontent à plus de quinze siècles. Plus ou moins bien compris par la population dans son ensemble avant 1871, le français n'était vraiment parlé que dans la bourgeoisie. Il n'y a eu importation linguistique allemande que dans les zones francophones des régions messine et vosgienne Elle fut d'ailleurs nécessairement d'ordre scolaire et d'une efficacité très inégale.
2) Beaucoup de Lorrains ayant servi dans l' armée allemande pendant la guerre de 1914-1918 ne purent revenir qu'après l'armistice, lorsque les Français avaient déjà fait leur entrée. Ils furent reçus avec une animosité méfiante, comme des prisonniers ennemis, encadrés de troupes baïonnette au canon et dirigés vers une forteresse. Ce n'était sûrement pas leur faute d' avoir servi dans les rangs allemands...
3) L'idée d'une classification de la population d'Alsace-Lorraine avait été proposée par l'abbé Wetterlé à la conférence d'Alsace et de Lorraine qui prescrivit dès le 19 et 26 avril 1915 de subdiviser la population en 4 catégories : A - B - C - D. Dès l'entrée des troupes, les Mairies furent averties d'établir des cartes d'identité qui servaient en même temps de pièces de légitimation.
- Reçurent la carte A fut délivrée d'office aux Alsaciens et Lorrains qui avaient eu la nationalité française avant 1870 ou à ceux dont les parents et grands-parents avaient été dans ce cas. Ils furent " réintégrés de plein droit " .
- Reçurent la carte B ceux dont l'un des parents était de descendance étrangère.
- La carte C fut délivrée à ceux dont les parents des deux côtés étaient nés dans un pays allié ou neutre.
- Reçurent la carte D les étrangers originaires des pays ennemis (allemands, autrichiens, hongrois, etc.) et leurs enfants, même s'ils étaient nés en Lorraine.
Ces cartes d'identité ont joué un grand rôle lors de l'échange de l'argent allemand et des élections et pour la circulation dans le pays. Les titulaires de la carte D et des indésirables durent quitter le pays. Ainsi, de décembre 1918 à octobre 1920, 100 000 Allemands, dont 14 000 fonctionnaires, les uns de gré, les autres de force, quittèrent le pays. Parmi les volontaires figura Mgr. Benzler, évêque de Metz, qui dut démissionner le 12 janvier 1919. Il avait reçu l'ordre de se présenter, le 27 avril 1919, à la gare centrale de Metz. Grâce à l'intervention de son successeur, le vicaire général de Metz, Pelt, cet ordre fut retiré et Mgr. Benzler put quitter, le 27 août, son diocèse par Sierck-Perl. Les vicaires généraux Pelt et Cordel et le Chanoine Collin l'accompagnèrent jusqu'à la frontière. Il est décédé le 16 avril 1921 à Lichtental, archevêque titulaire d'Attala; il fut enterré à l'abbaye bénédictine de Beuron. (Un prédécesseur de Mgr Benzler, Mgr Dupont des Loges, bien que né à Rennes le 11 novembre1804, avait pu cependant continuer d'exercer ses fonctions d'évêque sous la domination allemande jusqu'à sa mort, survenue le 18 août 1886).
A partir du 7 mai 1919, les fonctionnaires ne comparurent plus devant les commissions de triage; ce jour, les conseils de discipline furent rétablis, mais le commissaire général se réservait le droit de déplacer d'office ou de suspendre les fonctionnaires pour des motifs politiques. Le 27 octobre 1919, après la ratification du traité de paix, le 12 octobre, Millerand envoyait aux Présidents des commissions de triage la circulaire suivante : "...La ratification du Traité de Paix offre pour les Alsaciens et Lorrains réintégrés dans la nationalité française un régime nouveau qui ne comporte plus le maintien des mesures en vue desquelles les Commissions de triage et de Classement au second degré avaient été instituées. La mission qui vous avait été confiée ainsi qu'aux membres devra être considérée comme terminée..."