Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La mine La Paix (4)
La mine " La Paix " s'étendait sous la bordure est du plateau lorrain et débouchait par des galeries situées dans les vallées d'Algrange et de la Fensch.
Cette concession avait été obtenue le 8 août 1873 par les " Gebrüder Servais ". Puis la firme " Rudolf Boecking & Cie. " acheta la concession en 1874 en association avec les " Gebrüder Stumm " sous la dénomination de: " Mine Moltke, Witten I et Witten II ". Dès 1873, Kraemer-Quint avait obtenu 210 hectares de concessions dans la commune d'Angevillers. De nombreux sondages ont eu lieu comme en témoigne les archives d'Usinor. Le nom de cette mine est dû au comte Helmuth Karl Bernhard von Moltke qui avait insisté pour que l'Alsace et la Moselle soient annexées à l'Allemagne.
Les débuts d'exploitation de cette mine se firent à flanc de coteau, d'abord du plateau du Witten en 1881. On exploitait alors la couche rouge calcaire et on acheminait le minerai vers le bas de la vallée à l'aide d'un téléphérique qui passait devant l'hôpital et traversait la rue principale. On pouvait encore voir, il y a peu, les galeries d'aération de ce puits dans les bois, ainsi qu'une date, sur le fronton d'une entrée, derrière des maisons d'habitation du Witten. L'exploitation réelle de cette mine démarra en juin 1883 et durera un siècle.
Août 1914, malgré la mobilisation générale et le retour des ouvriers italiens dans leur pays, la mine continue à fonctionner, mais difficilement. En 1916, un renfort de main-d'œuvre est apporté grâce aux prisonniers de guerre russes. La fin de la guerre fit que le 18 janvier 1919, cette mine fut mise sous séquestre par le tribunal administratif de Metz. Le 17 octobre 1919, un jugement d'adjudication du tribunal de Metz attribua cette concession à " l'Union des Consommateurs de Produits Métallurgiques et Industriels S.A." à Paris. (U.C.P.M.I.) Puis un décret autorisant la vente de la mine à l'U.C.P.M.I. fut signé le 17 octobre 1921. La concession de 888 ha prit alors le nom de Sainte-Barbe lors de l'établissement d'une galerie inclinée d'aérage sur la route de Fontoy à Angevillers.
Des travaux de sondage ont été entrepris à proximité de l’ancienne église de Sainte-Barbe (à Crusnes) comme on peut le lire dans l'Echo des Mines et de la Métallurgie en juillet 1936.
Puis éclata la seconde guerre mondiale et sur les instructions de l'ingénieur en chef des mines, le 13 juin 1940, il y eut sabotage du puits d'extraction souterrain en précipitant des berlines dans celui-ci, endommageant les guidages des cages. Ainsi que la destruction des transformateurs, des redresseurs électriques par un début d'ennoyage. Fin 1940, après des réparations, il y eut reprise de l'exploitation sous l'autorité allemande de la " Généralbeauftragte ". En 1942, la main d'œuvre fut renforcée avec des prisonniers de guerre soviétiques. Comme dans les autres mines, la reprise fut lente après la guerre pour redevenir plus importante au début des années 60….
Le 27 mai 1958, un nouveau décret est signé modifiant le périmètre de la concession Moltke qui prend le nom de " Sainte-Barbe ". En 1964, mutation de propriété au profit de la: " Société Mosellane de Sidérurgie ". (S.M.S.) Puis le 1er janvier 1966, fusion des deux mines d'Havange et de Sainte-Barbe, pour former la mine: " La Paix ". Ces mines jusqu'à la réunion Knutange-Hagondange (26 décembre 1963) appartenaient, la première à la S.M.K., et la seconde à l'U.C.P.M.I. La superficie totale de ces deux concessions était de 1476 ha. En 1968, mutation de propriété au profit de la société de: " Wendel – Sidélor ", et en 1970, fusion des mines La Paix et Bassompierre. Le 29 mars 1974, un nouveau décret instituant et octroyant la concession: " Ferdinand sud " au profit de la mine La Paix-Bassompierre voit le jour et la même année c'est une mutation de propriété au profit de la société " Sacilor ". Puis en 1978, nouvelle mutation de propriété au profit de " Lormines ", qui est une filiale de Sacilor.
Malgré les manifestations en faveur de la sauvegarde des emplois de cette dernière mine algrangeoise, le 28 juillet 1983 vit l'arrêt de la production et la fermeture de la mine.
Les concessions.
- La partie sud de la concession Bassompierre.
Cette concession (1248 ha 79 a) résulte de la fusion des concessions Reichsland, Empel, Havange, Hercules dont la S.M.K. était titulaire par un décret de 1921 et d'un échange partiel de concessions par décret du 16 juillet 1956.
Cette concession avait, à travers la concession voisine Burbach, un prolongement, dans l'axe duquel étaient situés le tunnel de Knutange (sortie du minerai) et une galerie d'évacuation des eaux. Ce prolongement faisait pilier de protection pour ces deux galeries qui, plus loin, avant de déboucher dans l'usine de Knutange, traversaient la concession de Fontoy dans laquelle un stot (zone non exploitée) leur avait été réservé.
- La concession Sainte-Barbe.
Cette concession (803 ha 72 a) provenait de l'U.C.P.M.I. par un décret de 1921. En outre, elle pouvait exploiter une partie de la concession Angevillers, appelée: " mine Guillaume " (11 ha 54 a) qui fut amodiée par la Société des Aciéries de Longwy à l'U.C.P.M.I. (décret du 12 mars 1949)
La mine La Paix était bordée à l'est, au nord et à l'ouest par des exploitations en activité, (concessions Angevillers, Ferdinand) ou inexploitées. (Hermann, Elisabeth) Au sud et au sud-est de la concession de Lommerange inexploitée, Haut-Pont et Burbach exploitées. Par un accord avec la société minière Ferdinand, la mine La Paix avait été autorisée à tracer, dans la pointe sud ABC de la concession FERDINAND, (21 ha 81,5 a) permettant de diriger, sur le carreau de Knutange, le minerai extrait dans la partie de la concession Sainte-Barbe voisine de Ferdinand.
Exploitation.
Pour des raisons de teneur de minerai (teneur plus élevée dans la concession Sainte-Barbe que dans la concession Bassompierre), l'exploitation du minerai calcaire a été arrêtée, début 1968, dans la concession Bassompierre pour être concentrée dans la concession Sainte-Barbe. (principalement en couche grise) Durant de nombreuses années, on exploita le minerai à flanc de coteau pour parvenir à la faille de Fontoy qui conduisit au forage d'un puits interne de 110 mètres. La possibilité était ainsi offerte d'exploiter les couches inférieures. C'était l'époque du forage et du chargement à la main, celle des chevaux et des petits wagonnets, celle de la sueur et du danger permanent.
Extraction par Algrange.
Le minerai était stocké dans un silo situé sur le carreau de la mine, puis acheminé par chemin de fer vers l'usine d'Hagondange. Avec le début de la mécanisation, la mine se dota d'un second silo, installa une bande transporteuse et supprima le puits interne....
Jusqu'en 1956, la mine Sainte-Barbe fournissait journellement 2500 tonnes de minerai de fer à l'U.C.P.M.I. d'Hagondange. La modernisation, débutée en 1957 et achevée en 1959 modifia toute la marche de l'usine qui, jusque là possédait des berlines de 2,2 tonnes de charge utile, un puits intérieur pour 2 cages et un travers-banc supérieur de 2500 mètres pour une production limite de 1500 tonnes/jour. Puis une idée audacieuse vit le jour dans les bureaux techniques de l'U.C.P.M.I. et dans ceux de la mine Sainte-Barbe. Il s'agissait de construire une bande transporteuse longue de plusieurs kilomètres et qui permettrait d'acheminer directement le minerai depuis le fond de la mine jusqu'aux accumulateurs-silos au jour. L'ancienne installation datait de 1933 et pour pouvoir réaliser cette nouvelle bande, on créa au fond une salle de culbutage et de pré concassage. La granulométrie était obtenue par des cylindres dentés, (Dragon) d'une capacité de 1000 tonnes/heure. Le minerai concassé était entraîné par une bande de mise en vitesse après être passé par un distributeur vibrant.
La bande principale d'extraction qui recevait le minerai, avait une largeur de 800 mm pour un débit de 500 tonnes/heure avec une vitesse de 2,5 mètres/seconde. Ceci sur une hauteur de relevée de 158,23 mètres pour une longueur de 2343 mètres. Elle fut mise en service en avril 1959. Au jour, le poste de commande comprenait la tête motrice de la bande principale, dans lequel un moteur d'entraînement et les tableaux de commande étaient installés.
Une seconde bande de 275,37 mètres de long sur 800 mm de large transportait le minerai aux accumulateurs où il était soutiré en wagons pour expédition sur l'usine d'Hagondange.
Les accumulateurs étaient situés sur la voie de raccordement SNCF. Ils étaient au nombre de 7 anciens et de 9 nouveaux, d'une contenance totale de 8000 tonnes. 1965, verra l'installation d'un culbuteur pouvant recevoir des berlines de 8 tonnes en remplacement de celles de 2 tonnes.
En 1968, mutation de propriété au profit de la Société Wendel-Sidélor et à partir du 4 mars 1968, entrée de tout le personnel par Algrange. 1970, fusion des mines La Paix et Bassompierre. En 1974, mutation de propriété au profit de la société Sacilor et en 1978, mutation de propriété au profit de Lormines, filiale de Sacilor.
La fusion avec la mine de Havange permit d'exploiter une concession toute vierge, la concession " Hermann ". Dix mille tonnes étaient extraites chaque jour, alimentant l'U.C.P.M.I. et l'agglomération de Fontoy. Mais la crise fera son apparition et avec elle, la production chutera à 7000 tonnes, puis à 4000 tonnes.
La mine La Paix communiquait avec la mine Bassompierre par la galerie du même nom, qui était en grande partie en travers-banc au-dessus du synclinal d'Ottange et qui fut creusée en novembre 1931, ceci pour que les eaux puissent s'écouler par gravité, depuis le nord de la concession d'Aumetz jusqu'à la centrale d'exhaure de la mine La Paix, d'où elles étaient pompées et rejetées dans la Fensch.
La mine La Paix comportait deux sorties pour le minerai. (le carreau d'Algrange et celui de Knutange)
Le carreau d'Algrange, situé au nord-ouest de la ville d'Algrange, au pied des affleurements de la formation ferrifère, possédait en 1968:
- un bâtiment comprenant les bureaux et deux logements d'agents de maîtrise.
- un bâtiment d'infirmerie comprenant le bureau du délégué et une sous-station électrique de transformation alimentée en 10.000 volts.
- un garage pour les différents véhicules utilisés au fond, avec un atelier d'entretien principal au jour, qui était bien équipé pour la réparation des installations fixes et des machines semi-fixes et mobiles du fond et du jour. Sa surface en 1968 était de 1260 m2, y compris les bureaux et l'outillage.
- l'accès au fond se faisait par une piste bétonnée ce qui permettait de faire à l'atelier du jour tous les gros travaux d'entretien et de révision des engins de quartier. (29)
- un bâtiment fraîchement construit en 1967/68 comprenant les vestiaires et les bains-douches pour 320 ouvriers.
- un autre bâtiment construit en même temps, comprenant les vestiaires et les bains-douches des agents de maîtrise et des ingénieurs.
- il y avait également les bureaux des porions, des chefs-porions, du chef d'exploitation ainsi que deux logements.
- un bâtiment comprenant un atelier d'entretien mécanique et électrique, le magasin et les bureaux des agents de maîtrise de l'entretien.
- une halle couverte servant au stockage des ensembles de réserve, où était installé un compresseur Spiros de 3m3 pour les besoins du carreau.
- une menuiserie et un bâtiment pour le contrôle des convoyeurs à bande.
- une poudrière enterrée, d'une capacité autorisée de 5000 kg d'explosifs de la classe V.
- deux dépôts de détonateurs de 3e catégorie, d'une contenance totale de 25.000 détonateurs. On utilisait comme explosifs du nitrate-fuel en vrac et de l'explosif nitraté encartouché.
- Des accumulateurs à minerai de 9000 tonnes de capacité, équipés de chaînes Zublin pour le chargement des rames…
La descente au fond se faisait par l'entrée d'Algrange et le personnel de quartier descendait aussi par celle de Fontoy. Depuis le 4 mars 1968, la quasi-totalité du personnel descendait par l'entrée d'Algrange. La mine La Paix possédait 505 logements situés sur les communes d'Algrange, de Knutange, de Fontoy, de Havange, d'Angevillers. La mine disposait de deux logements d'ingénieurs à Nilvange. Elle louait même à la Société des Mines d'Angevillers 8 logements d'ouvriers situés dans les cités militaires d'Angevillers. Un très gros effort d'accession à la propriété fut fait dans les années 1954 et 1961, des lotissements furent construits à Fontoy et au Konacker. (36 logements) Elle apporta une aide financière aux constructeurs privés…
Avant la fermeture et depuis, la plupart des appartements, garages et maisons des mines furent vendues aux mineurs occupants ou à leurs descendants à bon prix. C’est la société L’Immobilière Batibail qui gérait ce parc.
Les maisons non vendues par ce biais, furent vendues à des particuliers ou des promoteurs avec d'autres conditions. Ces maisons se situent rue: de Verdun, des Alliés, Maréchal Foch, Jeanne d'Arc… et toute la cité Sainte-Barbe.
Extraction par Knutange.
L'ancienne mine d'Havange, faisant partie de la mine La Paix, avec son carreau à Knutange, a vu son extraction entièrement mécanisée et modernisée en 1960. Le minerai y était extrait par un câble Belt de 483 mètres de longueur en descenderie, puis par voie ferrée, dans un tunnel de 2240 mètres de long et déversé au jour dans des silos d'où il était repris par bande par l'usine de Knutange et dirigé vers l'agglomération de Fontoy. Au jour, le carreau de Knutange était relié au réseau de voie ferrée normale de l'usine de Knutange. Le carreau de Knutange comprenait un puits intérieur qui servait à la descente du personnel et un plan incliné à chariot-porteur utilisé pour la descente du gros matériel. Avant la concentration des deux anciennes mines de Sainte-Barbe et d'Havange, le carreau de Knutange, implanté dans l'usine de Knutange, comprenait: bureaux, atelier et magasin, station de culbutage des berlines, culbuteurs. La mine d'Havange possédait avant 1960 une installation d'extraction comprenant des berlines à caisse culbutante de 2 tonnes, un puits intérieur à deux cages chacune, une berline et le travers-banc supérieur de roulage de 2500 mètres de long. Les berlines étaient transportées au jour jusqu'aux accumulateurs à minerai des hauts-fourneaux.
Le carreau de Knutange, vit ses dimensions réduites, et en 1968, il ne comprenait plus qu'un petit atelier électrique et mécanique pour la réparation du matériel de roulage du tunnel d'extraction (locos, berlines), un convoyeur à bande qui montait le minerai jusqu'au sommet des accumulateurs où il était réparti par une bande-navette. L'installation d'un culbutage automatique des berlines SNAV de 10 tonnes, comportait également une trémie de déversement du minerai de reprise au stock. Les accumulateurs avaient une capacité totale de 3700 tonnes. (salle d'exhaure, atelier d'entretien)
Le carreau de Fontoy, comprenait une installation de vestiaire bains-douches pour une cinquantaine d'ouvriers et une salle de sports. La descente au fond se faisait également, pour les quelques ouvriers travaillant à proximité du puits intérieur du carreau de Knutange, par une entrée (avec escalier intérieur) située à Fontoy pour les services de l'exhaure, les réparations des locos et des wagons et pour le roulage du minerai vers Knutange.
Fêtes de sainte-Barbe (1923 - 1924 - 1951 - 1956 - 1961 - 1962 à la mine, au jour, ou devant un café....