Livre de Roland SEBBEN - ALGRANGE Cité aux 4 mines - La ligne de chemin de fer et ses gares (26)
Avant l’annexion de 1871, les habitants d’Algrange vivaient un peu en vase clos comme leurs ancêtres. Pourtant dès les années 1860, plusieurs sociétés allemandes tentèrent d’industrialiser cette région en demandant des concessions minières. A partir de 1871, des Sociétés telles : Burbach, Bœcking et Stumm achetèrent des concessions dans le val d’Algrange. Des projets sont évoqués tels que la demande d'un chemin de fer de grande communication à établir à Algrange, d'une voie ferrée et d'une gare (lettre du 23 février 1874). Dans une autre lettre datée du 26 juin 1875, la Société Burbach demanda au Président de Lorraine la concession " d’un chemin de fer du val d’Algrange à la ligne de Thionville à Fontoy ". Mais dès l’exploitation des mines de fer il fallut bien transporter le minerai qu’on extrayait, et la configuration du terrain obligeait de se tourner dans la direction d’Hayange.
Des projets eurent lieu, mais ils furent refusés par l’administration. Mais suite à la crise économique de 1878, des enquêtes sont menées et aboutissent à l’enquête d’utilité publique prescrite par l’arrêté du 1er février 1881. Une ordonnance impériale du 10 mai 1881 déclare cette construction d’utilité publique.
Dans le supplément de la " Gazette de la Nied et de la Moselle " datée du 24 décembre 1881, on peut lire :
" Metz, le 7 octobre 1881
Par ordonnance impériale du 10 mai 1881, la construction d’un chemin de fer à voie normale, de Nilvingen vers la vallée d’Algringen, a été déclarée une entreprise d’utilité publique au profit de la Société Anonyme des mines du Luxembourg et des forges de Sarrebruck à Burbach près de Sarrebruck, et la dite Société a été autorisée à acquérir par voie d’expropriation les terrains nécessaires à cette construction
Signé HAAS.
De ce fait, le tribunal régional déclare expropriées, pour la construction d’un chemin de fer à voie normale de Nilvingen vers la vallée d’Algringen, au profit de la Société Anonyme des mines de Luxembourg et des forges de Sarrebruck à Burbach, les parcelles d’immeubles situées sur le territoire des communes de Nilvingen et d’Algringen, telles qu’elles sont comprises dans les états parcellaires joints à l’arrêté du Président du département de la Lorraine du 30 septembre 1881, et annexés au présent jugement.
Les 17 et 30 mars 1881, un contrat est signé entre Burbach, Rœchling et les chemins de fer du Reich pour la construction et l’exploitation d’une ligne. Le 18 juin 1881 est décrétée l’enquête pour définir les terrains à exproprier et le 24 octobre ces terrains sont transférés à Burbach par jugement du tribunal régional.
De ce fait, pendant la construction de la ligne de chemin de fer, en 1882, reliant Thionville-Bouzonville-Carling-Bening-Sarrebruck, l’usine de Burbach associée à la Société des forges de Neunkirchen en Sarre (Gebrüder Stumm) firent construire la ligne de chemin de fer reliant Hayange à Algrange pour l’évacuation du minerai de leurs mines dans notre cité. Cette ligne Algrange-Hayange longue de 4,47km, s’embranche en gare d’Hayange, sur la ligne de Thionville à Fontoy et dessert à Algrange les embarcadères des mines Burbach et Moltke. Elle fut ouverte au trafic le 1er juin 1882.
Le 18 avril et le 19 mai 1883, un contrat est conclu pour réaliser le prolongement de la ligne sur 480m, jusqu’à l’embarcadère Wilhelm (mine d’Angevillers) : ces travaux furent achevés en 1884. D’autres mines s’ouvrent dans la vallée et le prolongement jusqu’à la mine de Rochonvillers s’impose : il est officialisé par un arrêté datant du 26 juin 1890. C’est la société Stumm de Neunkirchen en Sarre qui finança ce prolongement pour raccorder au chemin de fer sa mine de Rochonvillers où un plan incliné compense les 37 mètres de dénivelé entre la mine et la ligne de chemin de fer. Cette extension permit d’ouvrir la ligne au public. Le 4 janvier 1892, date de l’ouverture officielle de la section Algrange-Rochonvillers, le chemin de fer d’Algrange est reconnu valable pour l’importance de son trafic avec la mise en service de la ligne de voyageurs. Il y avait quatre allers-retours quotidiens de trains de voyageurs. La gare se trouvait dans le bâtiment dénommé : " la barrière ". Mais peu à peu, le trafic, par l’implantation des industries s’intensifia et il fallut agrandir. C’est ainsi que la nouvelle gare avec ses nombreux bâtiments annexes fut construite.
Le trafic marchandises retrouve après 1918 un niveau important mais celui des voyageurs décline au fil des années. D’une dizaine aller-retour en 1925, la trame de la desserte n’en comporte plus que 8 en 1935. La priorité est donné à son concurrent : le tramway.
De nombreux habitants d’Algrange utilisaient ce moyen de transport pour aller travailler à l’extérieur et les ménagères n’hésitaient pas à prendre ce train pour aller faire des achats à Hayange, Thionville, voire Metz…
A cette époque, le train de voyageurs était considéré comme briseurs de ménages. C’était l’excuse, quand on manquait le dernier tramway, on avait que la possibilité de prendre le train. L’inconvénient était que ce dernier train arrivait à Algrange vers 1h 30 du matin. Certaines épouses ne furent pas très contentes de voir leur mari arriver à une heure aussi tardive (surtout les jours de paye) et ce train fut rapidement surnommé " Ehebrecher ". (briseur de ménages) C’est avec un petit air malicieux que les anciens aiment raconter aujourd’hui cette période là.
Le trafic voyageurs fut supprimé officiellement entre Hayange et Algrange le 6 mai 1939. Peu de temps après, en 1941, la Reichsbahn rétablit une desserte voyageurs, avec 7 aller-retour. Ce service ne sera pas maintenu à la fin du 2ème conflit mondial. Au début des années 1940, une quarantaine de personnes étaient employées, en 1948 il n’y avait que 27 agents et en 1959 une trentaine au maximum. (chef de gare principal, chef de gare marchandises, assistants, employés, chargeurs de marchandises, aiguilleurs, chefs d’équipes, ouvriers, contrôleurs de wagons…) On sait que les gares étaient classées par le nombre de personnes employées et non par l’importance du trafic.