À partir de 1959, les liens tissés entre la Fédération Régionale CGT des mineurs de fer et les syndicats de travailleurs des régions minières soviétiques permettent à des délégations syndicales françaises de visiter les mines du bassin ferrifère de Krivoï Rog.
En juillet 1959, une délégation de six mineurs de fer a parcouru l'U.R.S.S. pendant dix-huit jours, à l'occasion d'un voyage d'étude. Les délégués ont décidé à leur retour de rendre compte de leur voyage à leurs amis et dans le Républicain Lorrain.... Un algrangeois faisait partie du groupe M. Emilien, MARTIN. Voici un peu de leurs périple raconté par les photos qu'ils ont ramené.....
Une réunion d'information s'est donc tenue à Algrange, au café de la Mine, où sous la présidence de M. Paul ROEF, secrétaire de la Fédération du syndicat des mineurs et en présence de M. Elio FIORANI, secrétaire de la Fédération régionale, M. Albert BALDUCCI, secrétaire général, les mineurs ont rendu compte de leurs impressions et de leurs conclusions. Ils racontèrent comment ils avaient parcouru plus de 6000 km, utilisant tour à tour le chemin de fer, l'avion, l'automobile, en partant de Brest-Litowsk, ville frontière, à Yalta, ville de repos en Crimée, en passant par Moscou, Krivoï Rog et Zaporojia, en Ukraine.
Invités par le comité régional des mineurs de fer et sidérurgique du bassin de Krivoï Rog et le comité central de la métallurgie, cette délégation composée de MM. Paul ROEF, d'Audun le Tiche, François CORRA, de Trieux, François MORBE, de Boulange, Gino RAIMONDI, de Landres, Emilien MARTIN, d'Angevillers et conduite par M. Albert BALDUCCI, secrétaire de la Fédération régionale des mineurs, a notamment visité des mines, des usines, des barrages, un kolkose, des palais de la Culture, des stades, des maisons de repos, des camp de prisonniers et des crèches, visité des maisons de travailleurs et discuté avec des citoyens et citoyennes soviétiques.....
Les photos en noir et blanc des différents endroits où ils ont séjourné....
Une heureuse rencontre!
Devant l'hôtel à Krivoï Rog, le groupe a eu l'agréable surprise d'être interpellé en français par un soviétique. " D'où êtes vous? " demanda-t'-il.
- " Nous sommes des mineurs de fer de Lorraine "
- " J'ai travaillé dans les mines de fer en tant que prisonnier de guerre ", rétorqua le soviétique, " c'était à Thil et j'ai connu là-bas des Français qui m'ont aidé à échapper aux nazis ".
Une discussion s'engagea et nous avons appris qu'il travaillait dans l'usine souterraine de Thil. Il citait des noms d'habitants que nous connaissions.
Avant de repartir, il revint à notre hôtel, en nous remettant une lettre et des photos pour ses amis Lorrains, ainsi que des fruits pour notre voyage, en nous demandant de saluer les patriotes français qui l'avaient aidé lors de sa détention et de son évasion.
Dès notre retour Thil et à Hussigny, nous avons remis la lettre et les photos aux intéressés qui se souvenaient fort bien du prisonnier soviétique, ce qui montre que les liens qui s'étaient liés, dans notre lutte commune contre les nazis, ne sont pas effacés.
Un étui à cigarettes en métal en souvenir pour la délégation
Le regard et la vérité sur le monde socialiste par Emilien MARTIN d'Algrange:
" Je remercie avant tout les camarades et tout particulièrement les responsables qui m'ont désigné et m'ont fait confiance pour participer à cette délégation en Union Soviétique. Je garde et ramène un grand souvenir.
Camarades, je n'ai pas l'expérience et les talents d'un reporter ou rédacteur, mais je ferais mon possible pour vous décrire dans ce numéro et dans les numéros prochains, ce que j'ai vu, entendu et étudié durant ces trois semaines, dans ce pays démocratique.
Avant de partir, des camarades de travail, des camarades de mon quartier me dirent: " Ils ne te laisseront plus revenir ", les autres plus intelligents: " Ils te feront voir tout ce qu'il y a de plus beau pour faire de toi, à ton retour, un militant communiste ".
Camarades, je suis de retour et je ne suis pas converti au communisme, mais en tant que chrétien, mon devoir est de dire la vérité sur ce monde socialiste. Même les responsables soviétiques qui nous accompagnaient à travers leur pays et ceux qui nous accueillaient dans les aéroports et les gares savaient que nous n'étions pas des communistes. Leur accueil et leur adieu démontrèrent qu'il n'y a qu'une classe d'hommes sur terre, celui d'être frères !
Le camarade résident PODZERKO V., lui-même, pendant le diner d'adieu, fit remarquer la liberté d'opinion de chacun.
Le but de chacun de nous est de voir comment l'on vit, les intérêts e la classe ouvrière, quels sont ses avantages. Tout ceci nous l'avons découvert dans ce pays démocratique. Un pays qui a souffert, comme tant d'autres par l'invasion hitlérienne.
Le fascisme à sa fuite, n'a laissé que ruines, plus de vingt millions de morts et de disparus, quel pays a souffert autant!
Pourtant pour remonter et moderniser un pays d'une superficie de 22,4 millions de kilomètres carrés il a fallu aux ouvriers soviétiques beaucoup de courage pour reconstruire leurs usines, mines et leurs villes. Par exemple, l'usine de Krivoï Rog (en Ukraine) entièrement dynamitée par les Allemands, cette usine a été reconstruite au premier plan quinquennal. Dans un temps record. cette usine nous l'avons visitée, nous avons pu constater à ses machines, à ses hauts-fourneaux, à ses laminoirs, etc....
Surtout l'automatisation de toute cette usine et l'aide apportée par ces grands ventilateurs aux travailleurs qui captent n'importe quel coin de l'usine les fumées et gaz, nocives à la vie des travailleurs.
Dans les mines, c'est exactement pareil, la plupart des mines ont été inondées et dynamitées. Maintenant tout est rentré dans l'ordre avec le plan septennal, la production s'accroit, la modernisation des mines s'effectue à une cadence accélérée, les heures de travail diminuent et les salaires restent inchangeables, ce qui permet aux ouvriers de vivre de mieux en mieux.
Par rapport à la production et à l'avance qu'elle a sr le plan septennal, nous avons pu constater dans différentes entreprises la diminution des heures de travail, de même que des baisses sur les marchandises, telles que radios, télévision, vélos, motos, autos ....
Actuellement, le gouvernement soviétique met tout en œuvre pour la jeunesse, Université, palais de la Culture, stades, salles de sports, bibliothèques, cette jeunesse a rattrapé plus de cinquante années de retard dans l'éducation.
L'Union Soviétique possède actuellement 721.000 ingénieurs diplômés, dont 205.000 femmes.
Camarades, on pourrait écrire des livres entiers sur la vie socialiste en U.R.S.S. et tout ce qu'elle assure comme bien-être à la classe ouvrière. Moi-même, en tant que chrétien je reconnais que ces méthodes de travail sont acceptables et humaines, car toute la modernisation apportée est pour aider l'ouvrier dans son travail et non à lui faire perdre sa place, comme dans nos entreprises.
Pendant mon séjour, en U.R.S.S., je n'ai pas entendu un ouvrier se plaindre de son chef ou de son travail.
Les chefs qui assurent la marche de l'entreprise, directeur, contremaîtres, etc .... sont tous d'anciens ouvriers de différents métiers.
Ce que l'on voit encore chez l'ouvrier soviétique, c'est avec quelle confiance et responsabilité qu'il mène son travail, car il sait aussi qu'il n'y a personne derrière lui qui le gêne ou le menace de lui faire perdre sa place et n'a pas le souci du lendemain qu'un autre a pris sa place.
En Union Soviétique, la hiérarchie est moins ouverte qu'en France, par exemple, le directeur du groupe de mines DIEJINSKYi, groupant 23.000 ouvriers perçoit un traitement de 3.600 roubles par mois, tandis que le mineur le mieux payé gagne 3.200 roubles et le salaire moyen étant de 1.800 roubles par mois.
Camarades, il est impossible de décrire tout dans ce numéro. Dans les prochains numéros vous pourrez lire différents articles sur la vie sociale des ouvriers soviétiques et le rôle de la femme au travail, au foyer et dans ses loisirs....
M. MARTIN a continué à correspondre pendant quelques années avec l'une des personnes rencontrée là-bas et surtout pour le 1er mai comme le témoigne ces documents....