Suite de mon livre (N°9a)
Troisième partie: La vie religieuse
Chapitre 1: La paroisse protestante
Les pionniers de la communauté protestante.
Comme la plupart des communes situées dans la région sidérurgique, Algrange dut son extension et son développement à l'industrie. L'exploitation de quatre mines de fer et l'implantation de l'usine métallurgique La Paix sur le territoire d'Algrange allait provoquer une rapide augmentation de la population. Parmi les 404 habitants de 1880, il y avait seulement 4 protestants, mais en 1882 ils étaient 60 et en 1883, 144 protestants. Mais, avant la guerre de 1870, une famille protestante était arrivée dans ce val d'Algrange. Quand vers 1860, le chemin de fer Thionville-Fontoy fut construit par la " Société des Ardennes ", un conducteur de train dénommé PASCAL s'y installa avec sa famille. Il y est resté certainement jusqu'à l'ouverture de la ligne. (le 25 avril 1863) Il avait trouvé un logement chez la famille WEBER au 17 rue Saint Jean. C'est d'ailleurs son fils qui a construit les premières maisons de la colonie Burbach.
Le pionnier du protestantisme à Algrange fut Monsieur Philipp THORN qui arriva avec sept ouvriers pour préparer et contrôler les travaux de la future mine Burbach, le 9 novembre 1875. (Il est né à Klingelbach en région de Nassau, le 1er juin 1842) Le 27 décembre 1875, il emmena sa femme et ses quatre enfants d'Esch (Luxembourg) à Algrange. Jusqu'à Hayange, ils purent utiliser le train, mais ensuite ils firent le chemin à pied par de mauvais sentiers où il fallut traverser le ruisseau de la Fensch sur quelques planches pour arriver enfin à Algrange. C'est de nouveau la famille WEBER qui leur loua deux chambres comme elle l'avait faite pour la famille PASCAL…
Extrait de naissance du premier enfant de Philipp THORN
Dans la Chronique du Pasteur HANSTEIN de 1909, Philipp THORN décrit comme suit son arrivée et la vie à Algrange en 1875:
" L'ambiance et le moral n'étaient pas rose. Tout était étranger. Dans tout le village il n'existait aucun magasin. Pas de bouchers, pas de boulangers! Les gens élèvent et tuent leurs animaux eux-mêmes, cuisent leur pain dans leur four. Les habitants n'avaient pas de grands besoins et vivaient en circuit fermé. Chacun avait sa maison, ses champs, son jardin, son écurie et cela suffisaient aux besoins personnels…"
" Il n'y avait pas d'épicerie, il fallait acheter à Hayange ou à Thionville ce dont ils avaient besoin. La plupart des habitants étaient des ouvriers d'usine de chez DE WENDEL. Il n'y avait que quatre agriculteurs à cette époque et deux meuniers. Les moulins étaient encore en activité à Algrange. Le moulin ROBERT (Robertsmühle) était situé où se trouvera plus tard le laminoir de l'usine, et le moulin ACKERMANN dans le secteur de la Burbach…"
" Les habitants n'étaient pas hostiles aux nouveaux arrivants, mais on pouvait quand même déceler une certaine réserve, ce qui était compréhensible. " Après quelques semaines, lorsqu'on remarqua que les nouveaux arrivants n'allaient pas à l'église, la patronne de l'auberge leur demanda: " Vous n'êtes pas chrétiens!"
Ce à quoi Philipp THORN répondit: " Bien meilleur que vous! ".
La famille THORN ne resta pas longtemps à Algrange car les travaux furent arrêtés et en avril 1876 elle retourna à Esch. Le village fut de nouveau libre de tout Protestant jusqu'en 1880.
L'usine Burbach ayant redémarré ses travaux de préparation a envoyé d'Esch à Knutange son chef d'exploitation M.BOREL. Celui-ci, issu du vieux village huguenot de Charlottenberg (district Dies-Nassau) fit appel à des familiers et des mineurs qu'il connaissait de cette région. C'est ainsi qu'arrivèrent à Algrange, le 17 octobre 1880, Daniel MAXEINER (devenu boucher à Algrange) et Jacob LORCH de Charlottenberg, Wilhelm ADAMI de Dernberg qui sera porion à la mine Victor à Hayange et Heinrich ZORN de Laurenbourg.
En juillet 1880, selon les dires de W. SCHNATZ d'Algrange, arrivèrent son père Wilhelm SCHNATZ , Mathias HOSS, Nicolaus GRÜNEWALD, Peter EUSCHEN et un certain HOFMANN, à pied de Bettembourg au Luxembourg, en passant par Angevillers pour arriver à Algrange. Lorsque les cinq hommes, debout sur les hauteurs, cherchèrent l'endroit, ils ne purent en apercevoir les maisons. C'est pourquoi, ils demandèrent le chemin de leur " nouveau pays " à une jeune femme de rencontre.
Le 26 novembre Wilhelm ADAMI ramena sa femme et sa fille âgée de 14 mois à Algrange. Ils trouvèrent asile chez la famille WEBER, qui a ce moment là hébergeait les étrangers... Le charretier BÜCHER d'Hayange alla les accueillir à la gare. Et lorsqu'on lui demanda où se trouvait donc Algrange, il se voulut rassurant et montra d'un geste vague la sombre vallée surplombée de lourds nuages de neige. Le chemin vicinal par la Fensch était impraticable. Ils prirent donc à travers champs en longeant les balises rouges et blanches qui servaient à jalonner l'emplacement de la future ligne de chemin de fer Hayange-Algrange.
En chemin, la couche de neige était devenue si épaisse que la charrette faillit se retourner et le voiturier ne voulant plus continuer leur dit: " Jusqu'ici et pas un pas de plus! " Mais, il se laissa finalement fléchir devant leurs supplications et les emmena chez les WEBER. C'est glacé jusqu'aux os que Madame ADAMI et son enfant y arrivèrent et ont dû s'aliter de suite. Leur appartement se composait d'une seule pièce, qui servait de cuisine, de salle de séjour, de cave et de grenier, et d'une mansarde pour chambre à coucher où parfois il pleuvait ou neigeait. Parfois l'eau ruisselait dans la cuisine et il fallait alors ouvrir le parapluie pour se protéger. Seul un fin parquet en planches séparait la pièce de la mansarde, et il n'était pas étonnant qu'un locataire y soit passé au travers pour atterrir dans la cuisine.…
Expansion du protestantisme.
Comme on peut le constater, la vie des nouveaux arrivants ne fut pas facile et le village se trouvait dans une vallée perdue presque dans l'inconnu, sans moyen de transport. C'est dans la maison située au 31 de la Grande rue, où, la famille ADAMI déménagea par la suite, qu'eut lieu le premier baptême d'un enfant protestant à Algrange. Il s'agissait de Carl ADAMI, né le 30 septembre 1881 et baptisé le 16 octobre 1881. Il fut baptisé par le Pasteur divisionnaire Friedrich HORSTMANN de Thionville.
La curiosité des Algrangeois était sans précédent pour voir à quoi ressemblait un Pasteur. La fenêtre de la chambre, où le baptême eut lieu, fut littéralement assiégée, non seulement par les enfants, mais aussi par les adultes. Cependant ils éprouvèrent devant ces étrangers une certaine appréhension et ce n'est qu'à grande peine qu'il fut possible d'avoir du lait. Une bonne femme, avec compassion, apporta elle-même du lait afin d'éviter que les étrangers franchissent le seuil de sa maison. D'autres femmes qui apportèrent du lait ajoutèrent 3 grains de sel ou 3 gouttes d'eau et en avouèrent ouvertement la raison: " Pour que les étrangers n'obtiennent pas de pouvoir sur le bétail! ". Wilhelm ADAMI sera plus tard porion à la mine Victor de Hayange où ils y habiteront
Dans cette même maison au 31 Grande rue, on illumina le 24 décembre 1881, le premier sapin de Noël allemand d'Algrange. Comme il n'y avait pas de sapins en vente ici, on a été le chercher ou plutôt le voler au moulin Gustal. Les décorations pour l'arbre furent entièrement cassées pendant le voyage de Hayange à Algrange. Après s'être beaucoup renseigné, on en trouva d'autres chez GOTTLIEB à Thionville. C'est ainsi qu'on a pu orner et décorer l'arbre.
Autour de ce 1er arbre de Noël, il y avait alors 9 Protestants: la famille ADAMI et leurs deux enfants, Minchen et Carl, ainsi que les mineurs LORCH, MAXEINER, ZORN, HAMMER et BRUCHHÄUSER. Cette fête de Noël attira les voisins et une voisine trouva la cérémonie et l'arbre si beaux qu'elle demanda, extasiée: " C'est ça votre bon Dieu à vous les Protestants? " Les Protestants, avec leurs fêtes, leurs coutumes et leur religion, connurent des relations difficiles avec la population locale. Et comme ces immigrants voulaient également pouvoir pratiquer leur culte à Algrange dans de bonnes conditions, les choses n'allèrent pas d'elles-mêmes dans un village à forte tradition catholique.
Mais le temps faisait lentement mais sûrement son œuvre, les problèmes s'estompèrent. L'intégration était en cours de réalisation. Aussi face à cette menace, la communauté protestante algrangeoise décida de s'organiser. Il s'agissait de s'opposer aux menaces d'assimilation que faisaient peser les mariages interconfessionnels et les abandons de conviction luthérienne. Les 60 Protestants recensés à Algrange en 1882, firent célébrer par l'aumônier HORSTMANN, le premier mariage local réformé le 15 octobre 1882, entre le mineur Georg Philipp HOFMANN d'Algrange et Wilhelmine MONTPELIER de Thionville. L'année 1882 est relativement importante pour l'histoire de la paroisse protestante, car celle-ci a vu l'arrivée de plusieurs familles protestantes. Les travaux préparatoires de la mine Burbach étaient terminés, le chemin de fer minier restait à être construit et l'exploitation allait bientôt commencer; c'est pourquoi plus d'un employé et ouvrier furent mutés d'ESCH à Algrange. Philipp THORN revint ici avec sa famille le 20 avril 1882.
En 1883, ils demandèrent au Pasteur divisionnaire CARSTED de Thionville qui visitait, en travailleur infatigable, les Protestants mineurs disséminés dans les vallées de la Fensch et de l'Orne, d'assumer la charge d'organiser un service religieux mensuel à Algrange. Voici ce qu'écrivent les Protestants d'Algrange, le 8 novembre 1883, à Monsieur le Pasteur de l'arrondissement:
" Monsieur le Pasteur, Nous soussignés, habitants Protestants d'Algrange, exprimons le très fort désir qu'un prêtre protestant puisse venir régulièrement à Algrange pour y tenir un service divin et enseigner la religion à nos enfants. Mais nous savons que Monsieur le Conseiller de commerce STUMM est prêt à prendre une partie des frais en charge et en attendant de savoir si les autres sociétés minières ne voulaient pas contribuer aussi, nous sommes prêts à nous cotiser pour pouvoir vous donner, Monsieur le Pasteur, ce qui vous est dû pour votre peine. A cette fin, nous vous prions de bien vouloir venir une fois par mois à Algrange et d'agir auprès des autorités compétentes pour obtenir l'autorisation d'utiliser une salle de classe pour notre service divin."
Les Catholiques étant majoritaires à Algrange, émirent des réticences face aux demandes des Protestants, telles celle soumise à la séance du Conseil municipal du 23 décembre 1883 disant:
" Monsieur le Maire soumet au Conseil une demande de la population protestante de la commune tendant à obtenir une salle d'école pour y pouvoir célébrer mensuellement leurs services religieux. Le Conseil municipal, vu qu'au village d'Algrange ne se trouvent que sept familles protestantes, dans les casernes STUMM quatre et dans celles de Burbach cinq familles; que de ces familles, il n'y en a que quatre familles ayant des enfants, que les autres signataires ne sont que des passants et non inscrits dans aucun rôle de la commune, que la salle d'école n'est guère convenable pour y tenir ces réunions du moment qu'il ne se trouve guère de place ni d'aucun côté des bancs d'enfants, vu que dans sa lettre relative à la construction du cimetière, Monsieur le Président de la Lorraine dit que le culte des Protestants ne sera pas officiellement reconnu à Algrange, ne donne pas son adhésion à ce que la salle d'école soit mise à la disposition des réclamants "
Le Pasteur Bernhard CARSTED
Le Pasteur Bernhard CARSTED était prêt à entreprendre les démarches nécessaires et à venir; mais dans un rapport au comité directeur de l'association Gustav Adolf le 11 décembre 1883, il déclara: " C'est la dernière mission que je puisse encore conduire ".
Le 12 janvier 1884, il pouvait communiquer à Monsieur SCHNELL: " Je viendrai dimanche, le 20 janvier à 3 heures et demie à Algrange pour y tenir le premier service divin. Tout est réglé, seul le Conseil municipal d'ici nous a refusé l'utilisation de la salle de classe. Voulez-vous avoir l'obligeance d'en informer la communauté et de faire tous les préparatifs pour que le local de HEINE soit dans un état digne pour le 20 ".
C'est ainsi que le 20 janvier 1884, à 4 heures de l'après-midi, eut lieu dans la salle du restaurant HEINE (plus tard la cantine de la colonie STUMM au 88 Grande rue) le premier office évangélique, consacrant par la même occasion la fondation de la communauté protestante d'Algrange. Cela se passa devant 73 fidèles. Chaque 3ème dimanche du mois, c'était le père SCHNELL qui faisait office de servant volontaire et qui faisait tout pour que le local soit dans un état digne.
Le vendredi saint 1884 a vu la 1ère distribution de la sainte communion devant 76 communions.
La construction du temple.
Tout n'était pas si facile pour les protestants arrivant à Algrange, ils ont bataillé dur pour avoir leur école, leur temple et leur partie dans le cimetière! .......
Monsieur Philipp THORN, un des premiers responsables de la mine Burbach, fut la cheville ouvrière de la communauté protestante. Le premier décès parmi les Protestants fut celui du séminariste Otto GOSSLAU âgé de 29 ans, le 10 septembre 1884. Son cadavre fut ramené par son père, un Pasteur de la province de Saxe, vers Greifenstein près de Cottbus. Les premiers morts de la paroisse protestante qui furent enterrés dans le nouveau cimetière terminé en 1885, furent Friedrich SACHS décédé le 9 septembre 1885 et enterré le 11 septembre à l'âge de 6 mois ½; le premier adulte fut le porion Heinrich HEYEL décédé le 2 avril 1886 et enterré le 4 avril, âgé de 55 ans. Aucun protestant n'avait été enterré dans l'ancien cimetière qui ceinturait l'église catholique place du marché.
Communications relatives à la construction d'un nouveau cimetière. Séance du 23 septembre 1883
On tolérait certes un lieu de sépulture aux membres de l'église réformée, mais: " Il n'était pas admissible que les Protestants passent tout le long dans le cimetière catholique; il sera donc établi une porte d'entrée distincte ". (voir CR du 13 janvier 1884)
CR municipal du 13 janvier 1884
Dans une lettre du 3 juillet 1884, Monsieur le Président de la Lorraine écrit à Jean GILLE, Maire d'Algrange, pour lui faire part de son mécontentement et lui demande d'agir en faveur de la requête des Protestants, en leur accordant la salle d'école qui sera utilisée qu'une à deux fois par mois.
C'est donc dans une ambiance bien délicate que la communauté protestante algrangeoise a continué à se battre pour tenter de faire valoir ses droits. On peut le voir notamment dans la lettre de Philipp THORN adressée à la communauté protestante de Wiesbaden à l'occasion de l'assemblée générale de l'association Gustav Adolph qui s'est tenue le 12 septembre 1884. (tiré de la Chronique de la paroisse protestante du pasteur Hanstein de 1909)
" Chers amis!
Suite à l'ouverture des mines de fer, une petite communauté de confession évangélique, particulièrement des habitants de la région de Nassau ont quitté leur patrie dans l'espoir de trouver ici un meilleur avenir que dans leur pays d'origine. J'appartiens moi-même à ces immigrants. Celui qui sait ce que c'est que de quitter son pays où l'entouraient ses souvenirs d'enfance, ses amis et ses connaissances, peut ainsi apprécier ce que nous avons trouvé ici. De sympathie au sein de la population locale, nous n'en trouvons pas, particulièrement parce que le mot protestant est associé à allemand! Les gens croient même le plus sérieusement du monde que nous ne sommes pas chrétiens, ce qui me fut dit personnellement. Il n'existe pas d'église où nous puissions, après une dure semaine de travail, trouver de réconfort dans la foi. On apprend, ici seulement, à savourer ce que l'on dédaignait chez soi. Mes chers amis, nous venons ici pour vous demander de nous aider à nous sortir de cette triste situation. Les conditions de notre communauté évangélique sont des plus défavorables. Notre communauté, relativement jeune encore, alimentée par l'immigration des mineurs allemands, compte actuellement 190 à 200 fidèles; mais il est à prévoir que d'ici deux ans, elle en comptera 300 à 400.
Concernant l'office, il est assuré par le Pasteur CARSTED mais seulement une fois tous les troisièmes dimanches du mois. Comme lieu de culte, nous devons nous servir d'une cantine. Maintenant, après que celle-ci fut transformée en logements, nous avons trouvé refuge dans un dortoir appartenant à la mine d'Angevillers. Mais cette société, également, veut de nouveau loger dans cette salle, des ouvriers. Ainsi nous ne trouvons nulle part un lieu pour pouvoir tenir nos offices en toute sérénité. Le Conseil municipal nous a refusé l'utilisation d'une salle de classe. Il ne nous manque pas seulement un lieu de culte, mais également la présence d'un Pasteur; car l'on ne peut parler d'édification des âmes alors que le prêtre ne peut venir dans notre communauté qu'une fois par moi, ni d'éducation religieuse. Nos coreligionnaires ont en besoin, entourés qu'ils sont de travailleurs étrangers pour la plupart, et en partie incultes, tout particulièrement si l'on ne veut pas qu'ils tombent dans la dépravation morale. Aidez-nous à construire un lien de culte et à accueillir un pasteur. "
La construction d'une nouvelle église catholique donna l'idée à quelques protestants de racheter l'ancien lieu de culte catholique, place du marché, pour en faire une église protestante, Röchling s'étant proposé de prêter l'argent nécessaire, mais la majorité des protestants refusa. Le travail augmentant dans le secteur de Thionville, le Pasteur Karl WENDLAND fut nommé vicaire à Hayange le 20 mai 1887 pour aider CARSTED et pour présider régulièrement les cultes à Hayange et à Algrange.
On célébrait les cultes dans des salles de café, dans des cantines, dans une salle de mairie ou d'école, et même dans le dortoir de la mine Röchling. L'accroissement des Protestants à Algrange, dû à l'immigration de nombreux Alsaciens, de spécialistes de la Wesphalie et de la Ruhr, imposait la construction d'un temple. Il fut d'abord décidé de faire construire une église protestante dans la vallée de la Fensch et l'emplacement choisi fut Knutange. Ce projet fut bientôt abandonné. La communauté avait son Conseil d'église, qui lui n'avait pas d'église. Les Protestants de l'arrondissement de l'Ouest avaient leur Pasteur, mais le Pasteur n'avait pas de presbytère…
Dès le 22 mai 1889, le Pasteur WENDLAND pouvait remettre au Consistoire de Metz, les plans réalisés par l'architecte communal HERMANN de Thionville, avec la demande d'autorisation de construire. Dans la demande il avançait le motif suivant:
" Depuis l'ouverture des mines de fer, Algrange possède une communauté protestante-allemande en provenance de Hesse-Nassau et qui comptait déjà en 1887 près de 350 âmes et qui grandit continuellement par de nouveaux arrivants et par de nombreux mariages, 11 l'an dernier à Algrange. La localité a une école communale protestante fréquentée par 75 écoliers actuellement. Depuis 5 ans le service divin a lieu dans des locaux inadéquats et trop exigus, actuellement dans une salle de classe remplie de bancs scolaires. Les gens prouvent leurs sentiments religieux par leur fréquentation aux cultes et une participation presque totale à la célébration de la sainte Cène. Je ne peux plus regarder quand je vois les hommes et les femmes assis non dans des bancs mais sur les bancs. Par l'encombrement excessif de la salle, il est souvent arrivé ces derniers temps que des hommes et des femmes soient tombés évanouis. A la dernière célébration de la sainte Cène, les gens étaient tellement serrés et bousculés, dans le souci de s'approcher de l'autel et de retrouver leur place que leur dévotion disparaissait. Le projet de la construction est prévu pour 22.500 marks, nous disposons de 15.000 marks. Nous espérons ramasser le manque par une collecte, celle de la région de Wiesbaden est déjà autorisée. Nous demandons l'autorisation de construire, nous préférons faire nos recueillements dans une chapelle, sans tour ni ornements, que rester plus longtemps dans cette salle située sous des logements et des écuries. "
Naturellement, le gouvernement n'a pas accepté. Il renvoya les plans avec la remarque que le gouvernement ne peut accepter la construction d'une chapelle à Algrange que s'il y a un plan définitif et autorisé et que le financement soit assuré. Mais les Algrangeois gardèrent leur courage et continuèrent à collecter tranquillement.
On acheta à la firme Stumm, un terrain sur la rue principale, section cadastrale " Fussberg " de 7,5 ares pour un prix de revient de 650 marks. Dès le 22 mai 1889, le Pasteur WENDLAND remit au Consistoire de Metz les plans réalisés par l'architecte communal HERMANN de Thionville. C'est là que ressortit tout à coup le plan de la paroisse catholique d'Algrange. Elle aussi projetait de construire une nouvelle église, d'enlever la vieille église et de leur donner à la place les 15.000 marks donnés par les mines. Avec cela, la réalisation de la construction d'un nouveau temple aurait été retardée pour des années, mais encore, les Protestants auraient échangé leur bon argent pour une vieille église, prête à tomber en ruines. C'est donc tout naturellement que ce plan a été refusé par les Protestants et l'on décida finalement de la construction d'un temple à Hayange et d'un autre à Algrange. Le 18 mai 1890 eut lieu l'adjudication.
C'est l'entrepreneur ROTHE qui eut le gros œuvre pour 20346,48 marks, la menuiserie M. PIGNON, les vitres et peintures R. ZORN, les plâtreries M. JAEGER, la direction des travaux étant assurée par l'architecte municipal LOHSEN. Au total les frais de construction de la chapelle coûtèrent 34 462 marks.
Le 27 juillet 1890, la communauté protestante pouvait fêter la pose de la première pierre de son temple à Algrange. La construction se poursuivit sans heurts et fut terminée en août. C'était une rare et belle fête, quand le 15 août 1891, les deux maisons de Dieu, de la même paroisse, la petite église sur la colline à Hayange et la petite église dans la vallée à Algrange, furent bénies. Le matin la cérémonie se déroula à Hayange, puis vers midi commença un pèlerinage un peu ensoleillé, à pied et en charrette, vers la paroisse d'Algrange…
A l'entrée du village, toute la communauté des mineurs, les associations les attendaient avec leurs drapeaux. Presque toutes les maisons étaient ornées de drapeaux et de guirlandes. Là, le Pasteur WENDLAND, en présence du Président du Consistoire de Metz, Monsieur BRAUN, bénirent le temple d'Algrange. Les 3 cloches "Alwine ", " Roechling " et " Mathilde " furent la donation de Mathilde et de Alwine RÖCHLING. (Elles provenaient de la fonderie MABILLON de Sarrebourg)
Le 6 septembre 1891 eut lieu, dans ce nouveau temple, le baptême de l'enfant Gottlieb KYECK né le 30 août. Le premier mariage à être béni dans cette maison de Dieu fut celui de Anna Elisabeth HEYEL et du porion Théodore SCHNATZ le 13 septembre 1891. Et le premier pour lequel le glas sonna fut Johann Georg HENNEMANN le 30 septembre 1891.
Le 19 septembre 1894, WENDLAND part pour Thionville et à sa place arrive le Pasteur BERGER le 10 octobre 1894 qui s'installa à Algrange le 13 décembre. Pendant 6 années, le Pasteur servi fidèlement la paroisse d'Hayange-Algrange jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus, car à la filiale d'Algrange qui avait un service divin presque tous les dimanches vint s'ajouter la filiale de Fontoy et celle de Boulange. A cela s'ajoutaient les nombreuses heures d'enseignement à Hayange, Algrange, Fontoy, Boulange et aussi par moments Tressange et Angevillers. Quand vers 1899-1900, avec la construction de l'usine de La Paix, s'ajouta une 4ème filiale qui grandit énormément, un seul Pasteur ne pouvait pas, même avec la meilleure volonté et en y mettant toutes ses forces, servir toutes les paroisses…
Les communautés affiliées à Hayange allaient en se multipliant rapidement, alors on demanda l'autonomie de la paroisse d'Algrange, qui comptait alors plus de 1100 Protestants.
C'est ainsi que le 31 mai 1900, le Consistoire de Metz pouvait créer le " Vicariat indépendant d'Algrange ". Algrange fut détachée de Hayange le 16 novembre 1900. C'est ainsi que la communauté protestante algrangeoise eut son premier Pasteur, Gustav HANSTEIN, qui fut installé à Algrange le 5 août 1900. C'est d'ailleurs lui qui écrivit la chronique de la paroisse protestante du 31 janvier 1909. Il était né le 23 juin 1874 à Faulquemont, de Charles HANSTEIN, 25 ans, percepteur né à Gaggstardt (Wurtemberg) et de Caroline SAILER, 26 ans.
Il se maria le 15 septembre 1903 avec Hedwig Caroline MENCKE, née à Wasselonne en Alsace le 28 juillet 1878 qui lui donna 3 filles. Elle est décédée en Allemagne le 30 novembre 1973.
Le 16 avril 1903, Algrange fut élevée au statut de paroisse titulaire. La paroisse avait un temple et un Pasteur. Mais le presbytère, avec une salle de réunion, manquait encore. Alors le Conseil municipal intervint, au printemps 1901, en accordant un crédit de 32.100 marks pour la construction d'un presbytère à côté du temple. 11 ares de terrain furent acquis à la firme Stumm et à M.ROTHE.
Les travaux débutèrent le 30 juin 1902 et le 1er octobre 1902 il était déjà couvert. Le 17 juillet 1903, le Maire envoie les clefs au Pasteur qui emménagea le 1er octobre 1903 à son retour de voyage de noces. Il avait coûté 32.000 marks…
Extension de la paroisse.
De 1893 à 1900, il fallut augmenter régulièrement le nombre de bancs et de chaises dans le temple. Lors de l'inauguration en 1891, il y avait 200 places assises. Mais il fallut déjà en 1893 acheter 40 chaises et en 1898, 8 bancs pour la tribune, car la chorale de 52 membres ne pouvait pas s'asseoir pendant les cultes. En 1899, on ajouta aux bancs 30 strapontins. Puis on diminua l'autel pour placer autour les 13 conseillers presbytéraux. On acheta encore 30 chaises pour arriver enfin au maximum de 430 places assises. Etant donné que trop de personnes ne trouvaient plus de place assise, on interdit aux enfants l'accès au temple et on organisa une garderie d'enfants et une école du dimanche au presbytère pendant les cultes. Il fallut 3 fois procéder à des réparations à l'extérieur et dans le temple. En 1892, la dalle fissurée du portail fut renouvelée, en 1893 il fallut refaire le plancher du côté droit, un champignon avait détruit l'ancien. Pendant l'office de Noël 1895, eut lieu la bénédiction de l'orgue. Officiellement l'orgue a été pris en compte le 24 janvier 1896. Il a été réalisé par HÄRPFER-DALLSTEIN de Boulay pour 3000 marks. En 1897, des enfants avaient détruit les vitres de la rosace au-dessus de l'autel. A la suite de l'abaissement de la route, le temple eut un beau perron en 1899, et en 1901, le Conseil municipal accorda les frais pour repeindre le temple intérieurement et extérieurement.
La paroisse protestante comptait 317 âmes en 1885, 581 en 1895, 800 en 1898, 1121 en 1900, 1729 en 1905, 2200 en 1908. Vers 1914, la communauté protestante comptait environ 500 familles, soit à peu près 2500 membres, auxquels il faut ajouter encore 60 familles, soit 250 paroissiens des communes affiliées.
Une école privée protestante fut ouverte le 1er mai 1885.
Puis vint la guerre. En ce qui concerne la communauté protestante, on a les chiffres suivants: pour les 550 familles de la paroisse élargie d'Algrange, 568 membres furent appelés sous les armes jusqu'au 1er août 1918. Mais 325 d'entre eux avaient été démobilisés sur réclamation.
Au cours de la première année de guerre, vingt-six moururent en héros, également vingt-six la deuxième année, huit à la troisième, huit à la quatrième et neuf la cinquième.
Au 1er août 1918, huit étaient portés disparus, dix furent faits prisonniers, dont deux, Karl SCHMIDT et Ernest FRÜHLING qui réussirent à s'évader de la captivité russe et à rentrer…
Les dommages de guerre furent assez importants pour la paroisse, les cloches, les tuyaux d'orgues et les grands lustres métalliques du temple avaient été réquisitionnés. Les trois cloches du temple furent démontées le 21 juin 1917, pour être refondues, suite à une ordonnance du Ministère de la guerre datée du 1er mars 1917. La guerre de 1914-1918 a été également une catastrophe pour la paroisse algrangeoise. Beaucoup de paroissiens y perdirent la vie, mais d'autres durent quitter Algrange à cause de leur origine allemande.
Le Pasteur Gustav HANSTEIN desservit donc la paroisse d'Algrange du 31 mai 1900 au 28 juillet 1919, date à laquelle il dut partir, du fait du retour à la France d'Algrange.