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Le blog de Roland - Algrange d'hier à aujourd'hui

La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947

5 Avril 2024, 16:25pm

Publié par R.S.

De Julien BIEGER:

Voici l'histoire de Robert SCHLUTH né le 8 juillet 1927 à Algrange racontée par lui-même. Ses parents étaient de souche alsacienne, Josef et Katherine SCHLUTH née LEUTHNER et avaient 4 enfants, tous des garçons. Son frère Guillaume était né le premier. Ensuite vinrent au monde Charles, Fernand et Robert. Son prénom a aussi ses déclinaisons comme Robi, Robes ou Bob que certains lui donnait. Ils habitaient au 7 rue du Cimetière dans un immeuble de 6 logements et vivaient en bon voisinage avec les autres. Le bâtiment appartenait à l'usine S.M.K. où son père travaillait comme menuisier-charpentier. Dans l'entrée de la maison il y avait la famille BAZ, qui était les voisins de palier, dont le mari perdit la vie tragiquement en tombant à l'usine dans un convertisseur d'acier et de fonte en fusion. Ensuite il y avait la famille HAUSS, des gens très gentils

La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947

Il y avait la famille ACKERMANN, dont le père était président de la société de menu bétail, poules, lapins, pigeons, .... Le fils âgé d'une vingtaine d'années était soldat dans les Spahis, troupes française en Algérie. Au rez-de-chaussée habitait deux familles polonaises. Il y avait aussi la famille ROSTOUCHER, de vrais grenouilles de bénitier. Le père était le "garde Suisse" à l'église catholique et il était très fier dans son uniforme. Tous les locataires de l'immeuble travaillaient à l'usine S.M.K. Cette rue donnait vers le bas vers le centre ville et vers le haut sur une halle de gymnastique et un terrain de sports. L'entraineur était M. WAX. Il y avait aussi un professeur de judo et de lutte M. JAGERY. Et tout en haut la rue aboutissait sur 3 cimetières.

La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
À la Toussaint, moi et une paire de copains, tous des gamins, on allait sur les tombes "enlever" les bougies que mettaient les gens dessus, pour la fête des saints. Je ne veux pas m'exprimer avec le mot voler, disons voir, nous chipions ces bougies ! Mais alors à Pâques, alors là c'était notre jour. Au cimetière orthodoxe, les Russes avaient l'habitude de mettre des œufs cuits et colorés sur les tombes de leurs défunts. Nous étions déjà en embuscade et guettions leur départ. Hardi les gars, les œufs et autres friandises étaient pour nous !
Sur les hauteurs d'Algrange, il y avait un petits bois de sapins, encore de nos jours et un plateau de forte grandeur, c'était notre royaume. Nous passions notre temps à y faire des cabanes, des refuges, des abris. Avec mes copains cosmopolites italiens, polonais, quelques français et moi, on avait une bonne entente. Pour les jours de fêtes, le Nouvel An, Pâques, Noël, on faisait le tour des habitants pour une quête, bonbons, gâteaux, quelques sous, on était toujours les bienvenus.
Peu de temps après, mes parents eurent un nouveau logement au début d'Algrange, rue Clemenceau. Nous étions maintenant situés au-dessus d'une boulangerie qui appartenait à la famille BAECKER Pierre. Pour accéder à notre demeure, il fallait passer par un porche qui donnait sur une cour intérieure. On habitait dans un endroit très calme. Mes parents me donnaient de l'argent pour m'acheter le bouquin Hop-la ou Tarzan, dans la librairie FLESCH. L'avais maintenant un voisin Camille MICHEL chez lequel j'allais jouer avec son train miniature sur rail. Pour moi c'était une merveille. Dans la maison voisine il y avait une chapelle russe. On entendait de belles chansons.
Le directeur de l'usine avait marié à l'époque une femme russe. Pas loin de chez nous, il y avait un bloc de maisons qu'on appelait Russendorf, qui veut dire village russe.
Et oui, à l'école, faut pas l'oublier, il fallait bien aussi y aller. On s'amusait quand même bien en y allant, elle se trouvait dans la rue Wilson. Le trajet vers l'école, pour le raccourcir, on passait toujours à travers une série de petits jardins. Par l'occasion, tout en passant, je cueillais par ci, par là une poignée de petits pois, parfois des fraises où j'arrachais du sol une carotte qui attendait qu'on la mange...
 
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
Une très belle chose, les colonies de vacances. Je suis parti en colonie au château d'Arry. Je me baladais dans la plaine et les forêts. Le parc était merveilleux avec vue sur la Moselle, qui la fois là n'était pas encore canalisée. Nous avions des amusements un peu drôles. On attrapait des sauterelles et les enfermait dans des petites cages faites avec des petits bouts de bois, comme ces cages que nous avions vu au cirque pour les bêtes fauves. Quand on est gamin on invente des trucs !
Revenant sur la description de cette rue Clemenceau. Moi, ça me plaisait bien. Le portier de l'usine n'était pas loin et on voyait les ouvriers passer pour aller au boulot.
À chaque relève du travail, il y avait un coup de sirène à 6H, 14H et 22H. On avait pas besoin de montre, on savait alors l'heure qu'il était.
Étant donné que nous aimions les déménagements !!! mes parents reçurent un nouveau logement chez madame REBSTOCK, rue du général de Gaulle à la fin d'Algrange (à cette époque). Dans cet immeuble il y avait une épicetie tenue par la famille VENTAVOLI. Là, j'étais souvent avec leur fils, Louis-Gino dans l'ancienne réserve du magasin. Nous cherchions tous les deux de la marchandise d'épicerie non vendue, quasiment mis au rebut. Biscuits, chocolat, conserves, etc. La date de longévité étant dépassée, cette marchandise n'osait plus rester dans les rayons.
Voilà je me souviens aussi de cette vue par ma fenêtre, je voyais le parc de l'ingénieur de la mine d'Angevillers. À Pâques, j'enviais ses enfants qui cherchaient dans le parc, les œufs cachés dans la verdure ou dans les buissons. Malgré ma situation comme enfant d'ouvrier, je me sentais bien dans ma peau !
Dans l'année suivante, je suis à nouveau parti en colo au fort des Rousses dans le Jura, près de Morez. Nous étions dans un ancien bâtiment militaire en carré avec une cour à l'intérieur.
Ce séjour nous confronta (on fit connaissance), moi et mes camarades Lorrains, avec ceux de "l'intérieur" de la France. Pendant ces vacances on mangeait notre popote à l'extérieur sous les arbres. Les repas étaient bons, mais parfois ce qui nous gouttait pas nous le cachions par exemple sous les bancs. Quand on y pense, ce fromage "Petit Suisse" que je n'aimais pas, et bien il prenait le chemin du sable que je tassais en vitesse avec mes pieds.
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
Ce sont des anecdotes que je n'ai pas oublié. J'y repense avec amusement. Là en colo, nous avions tous un béret bleu avec les lettres S.M.K. pour nous reconnaître plus rapidement des autres groupes. Alors les petits français (oui bien sûr nous nous sentions un peu autrement, on étaient les Lorrains de la Moselle) alors ces jeunes de "l'intérieur" nous demandaient la signification de S.M.K. Nous leur donnions comme réponse: Sosse Mit Kappes qui veut dire Sauce avec choux.
C'est bien sûr amusant si on comprend notre patois un peu alsacien que nous parlions entre nous à l'étonnement de nos autres camarades français. Quand on nous demandaient de chanter des petites chansons d'écoliers, ils remarquaient qu'on avait été élevé à la dure en Lorraine. Notre répertoire s'arrêtait qu'aux chansons de Tino ROSSI. Comme nous étions enfants des rues et des colonies d'habitations de la sidérurgie, ce sont seulement ces mélodies que l'on entendait fredonner dans nos cités ouvrières.
Je reviens dans mon histoire sur le déménagement dans cette nouvelle rue du général de Gaulle. J'allais maintenant à l'école du Chemin des Dames, pas loin de chez nous. Mon instituteur était monsieur MUSSELECK. Proche de chez nous, il y avait également une petite chapelle catholique Parfois je servais comme enfant de coeur. Mon service à la messe concernait également de faire la quête avec un petit panier. Devant l'hôtel, après ma genouflexion (oui, oui je sais, un drôle de français), je portais ce panier à la sacristie, sans oublier de me servir de quelques sous qui disparaissaient dans mes bas, personne ne remarquait quelque chose. Mais voilà qu'un jour le curé nous demanda de poser le panier avec le produit de la collecte devant l'autel et de ne plus rentrer à la sacristie. Bizarre tout de même, on était subitement écarté de cette petite source, de cet usage ou de l'ordre commun. Ah ! ce curé, il était plus malin qu'on pensait. Tout doucement se terminait ma vie comme gamin. Mais pour l'instant, j'en étais encore un.
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
Mon père qui travaillait maintenant pour la commune obtint un nouveau logement. (encore un !!!) dans la rue Wilson. Oui je l'ai déjà écris, encore un déménagement ! Cette maison appartenait à la mairie et 5 familles d'instituteurs y habitaient ainsi que nous. Là je ne m'embêtais pas. Je m'amusais dans les greniers séparés par des lattes. Je fouillais dans les cartons remplis de vieux livres d'école, appartenant à ces instituteurs, pour moi c'était un passe temps comme un autre. J'avais des journées bien remplies pendant mes vacances ou les jeudis par exemple.
Voilà qu'arrive l'année 1939. J'ai maintenant 12 ans. La France déclare la guerre à l'Allemagne, quelle folie ! Près de chez nous il y avait un campement du 26e régiment d'artillerie avec des canons de 75. Chaque canon était tiré par quatre ou six chevaux. Une centaine de chevaux étaient pratiquement mit en "écurie" sous le préau de l'école derrière notre maison. Pour nous enfants, c'était amusant et distrayant ce remue-ménage; donner de l'avoine et à boire à ces braves bêtes bien gentilles. Mon père fut mobilisé à la ligne Maginot, comme bien d'autres de notre ville. Moi, un peu indépendant, je profitais du désordre qui régnait un peu dans cette compagnie d'artilleurs, pour fouiller dans les sacs, les musettes qui pendaient dans les salles de clkasse de l'école moyenne.
Je me servais un peu de tout, biscuits, rations de guerre, boites de conserves, cigarettes et autres.
C'était une époque très, très drôle, on peut dire une drôle de pagaille. Enfin à la guerre comme à la guerre, chacun se débrouillait comme il le pouvait. Également à cette époque j'allais encore à l'école.
Nous étions encore les seuls pour pouvoir passer notre certificat d'études primaires C.E.P. Après l'école fut fermée. Nous nous occupions principalement à la popote des militaires, la gamelle en main, avec le "Rata". Les restes si on peut dire, nous presque ravitailler une famille entière parce que les cuistots étaient absents, laissant leur roulotte à l'abandon, ils ne se foulaient pas et allaient manger dans un bon restaurant.
Avant de tourner la page sur l'an 1941 je repense à un soldat, début 1940 qui s'appelait Guy et qui était un pauvre orphelin du nord de la France, du côté de Lille (un Chti comme on dit) Dans sa fonction comme ordonnance de son lieutenant, il s'occupait de son cheval et du harnachement. Il était très gentil, il faisait son boulot, son travail, il était un peu perdu dans cette misérable guerre.
 
 
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
Mes parents et moi l'avions pris en amitié, c'était un petit passage pour lui, de comprendre cette drôle de guerre. L'année 1940 vit l'occupation de la Lorraine. Pour la Moselle et de l'Alsace et l'incorporation des deux dans le territoire allemand. Toujours encore en recherchant dans ma tête je me souviens que nous allions quelques fois à l'église et, comme c'était le retour à l'Allemagne, les curés et abbés, toujours le manteau dans la direction du vent, ont vite changés de langage. Ils nous ont appris cette fameuse chanson allemande: "Großer Gott wir loben Dich, Herr wir preisen Deine Stürke, wie Du warst vor jener Zeit, so bleibst Du in Ewigkeit amen" qui veut dire: "Dieu dans les cieux soit glorifié, Seigneur nous faisons l'éloge de ton pouvoir, tu étais déjà avant tous les temps, tu resteras dans l'éternité, Amen" Je me souviens bien de cette mélodie. !
Et voilà, maintenant se termine mon époque comme gamin, j'ai encore un bout de jeunesse devant moi, qui sera l'entrée dans ma vie d'adulte. Nous écrivons l'année 1941, j'ai reçu 14 ans au mois de juillet. Fini l'école, maintenant c'est l'apprentissage. Je suis embauché au chemin de fer à Algrange par la "Reichsbahn" le chemin de fer allemand. Nous étions tous Mosellans et Alsaciens, devenus Allemands. On avait été rattachés au "Groß Deutschland" (à la Grande Allemagne). J'étais maintenant apprenti (Junghelfer) pour suivre un stage de 4 ans en passant par tous les services, manœuvre, postier, chef de service, visiteur de gare, taxateur, guichet billet, etc ... pour devenir par la suite un employé modèle, futur inspecteur. Cette période, pour moi très plaisante, était bien prise en main par une équipe d'instructeurs formidables. Première étape, la connaissance du morse, donner les départs des trains, recevoir le message d'arrivée des trains et tout cela avec le bip-bip morse !
De 1941 à 1944 j'étais affecté dans différents postes. J'énumère Chef de service, aiguilleur, accompagnateur de trains, accrocheurs, vendeur au guichet voyageurs, bureaucrate à la gare de marchandises, etc ....
Pendant cette période d'apprentissage je recevais aussi mes congés. Je partais alors en vacances chez mon parrain Aloïse à Weiteswillers en Alsace, il paraît qu'il me fallait changer d'air pour ma santé. J'étais heureux, dans ce petit village plein de charme. Il y avait là un forgeron, boulanger et pas mal de magasins comme épicerie, crémerie, etc ... Mon parrain pour aller prendre des planches pour son atelier de menuiserie attachait ses deux vaches à son chariot et nous partions vers Ingvillers. 5 kms jusqu'à la scierie ....
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
Il travaillait aussi un peu pour tous les habitants du village. À part cela il avait des champs à labourer, à ensemencer et à récolter.
Il possédait également des vignes, une petite forêt de châtaigniers. Pour son travail, je me rappelle, il allait à la synagogue juive (à cette époque fermée) pour récupérer des planchettes et des bancs en bois de chêne. Avec ce matériel il faisait des meubles, des tabourets et pas mal d'autres petites armoires et gadgets en bois "noble".
Il faut bien dire que mon parrain c'était un futé. Comme menuisier dans son atelier derrière leur maison, il s'occupait également de faire des travaux pour et au presbytère chez le curé et l'église du village. Lors d'une fête, d'un baptême, d'un mariage, il récupérait pas mal de sachets de bonbons qu'il cachait dans une cache aménagée dans le mur de son atelier. Il enlevait une brique et dans ce trou il mettait ses affaires, bonbons, litrons, etc ... et il refermait, ni vu, ni connu !
Parfois mon parrain me demandait d'aller chercher une bouteille de bière à la tireuse au café du coin en passant derrière par le jardin. L'aubergiste en connaissance de cause était d'accord. Quelque fois par malice il me demandait d'aller au bureau de tabac pour lui acheter son tabac, mais sans le bon de rationnement de l'époque (pendant la guerre il fallait ce bon de ravitaillement, entre autres). La commerçante connaissant mon parrain, hochait la tête et avait compris. Avec un clin d'oeil elle me servi certainement en pensant "sacré Aloïse".
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
C'était dans les années 1942-1943 alors avec ma mère nous faisions le voyage vers son petit village de Uttwiller (pas loin de Weiterviller). Ma mère née LEUTHNER était de ce pays. Là chez ses sœurs (mes tantes) elle faisait le trafic de schnaps, dans une bonbonne de 10 litres payant 30 Marks. On amenait cela à la gare de Menshoffen à 1km environ, là un restaurateur allemand de Köln (Cologne) nous attendait et payait 300 Marks pour le schnaps, puis reprit son train. Avec cet argent nous achetions un peu de tout, au marché noir, c'est à dire non déclaré par le commerçant, des œufs, du jambon, lard, farine, etc ...
Un jour en revenant par le train de Saverne à Thionville -Algrange, nous avions à bord (pourquoi pas) 10 litres de schnaps caché dans un carton bien au carré, ayant l'air d'un bagage de pauvres paysans, nous passions facilement. Mais un jour un policier nous aida à porter ce carton sur le quai ... Hop là, ma mère bien débrouillarde, pour le remercier sortie de sa sacoche une petite fiole de schnaps et lui demanda de boire un coup, en disant hélas nous n'avons que quelques centilitres de ce breuvage. Tout c'est bien passé, ouf !
Avec cette petite anecdote, je termine l'histoire de ma jeunesse, après avoir fait bien des efforts pour me souvenir du temps passé ....
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947La jeunesse de Robert SCHLUTH, gamin d'Algrange de 1927 à 1947
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